CHARLES DE GAULLE

10/04/2012 20:50

 

Charles de Gaulle

Charles de Gaulle (né le 22 novembre 1890 à Lille, dans le Nord - mort le 9 novembre 1970 à Colombey-les-Deux-Églises, en Haute-Marne) était un général et un homme d’État français, qui fut, depuis son exil à Londres, le chef de la résistance à l’occupation allemande de la France pendant la Seconde Guerre mondiale (la France libre), puis le fondateur de la Ve République en 1958, dont il devint le premier président de 1959 à 1969.

Il fut l’unique Grand Maître de l’Ordre de la Libération.

Origines familiales et étymologie

Charles André Joseph Pierre-Marie de Gaulle naît à Lille, mais son nom de famille n’est pas d’origine flamande. Une épineuse polémique subsiste en effet au sujet de son nom, certains ayant cru voir dans la particule de l’article défini flamand De. D’après les travaux de la famille, en particulier ceux du grand-père paternel du général de Gaulle, les de Gaulle sont une très ancienne famille de la noblesse d’épée française, ce qui n’est cependant pas reconnu dans les nobiliaires français. Le plus ancien ancêtre probable du général de Gaulle est Richard de Gaulle, écuyer du roi Philippe Auguste qui le dota d’un fief à Elbeuf-en-Bray, Normandie, en 1210. On trouve trace vers 1420 d’un Jehan de Gaulle qui, après le désastre d’Azincourt, résista pendant près de deux ans aux Anglais à Vire, dans l’ouest de la Normandie, avant de devoir s’exiler en Bourgogne.

Aux XVIe et XVIIe siècles on retrouve trace de capitaines-châtelains de Gaulle à Cuisery dans le sud de la Bourgogne. Gaspard de Gaulle, qualifié par le roi Charles IX de chevalier, fut délégué du bailliage de Chalon-sur-Saône aux états généraux de Blois en 1576. Les de Gaulle s’installèrent ensuite en Champagne où on retrouve leur trace à Châlons-en-Champagne aux XVIIe et XVIIIe siècles, exerçant des charges de justice et intégrés à la noblesse de robe. La famille s’installa enfin à Paris vers le milieu du XVIIIe siècle. L’arrière-grand-père du général de Gaulle, avocat (c’est-à-dire procureur) au parlement de Paris, comparut devant le Tribunal révolutionnaire pendant la Terreur mais réussit à éviter la guillotine. Les de Gaulle résidaient depuis presque 150 ans à Paris quand Charles de Gaulle naquit en 1890.

Le nom de Gaulle semble être issu d’une forme germanique (franque ou normande) : De Walle, signifiant le mur (d’enceinte), le rempart, où De = le et Walle = mur, le w germanique ayant évolué en g en roman (cf. aussi William/Wilhelm et Guillaume). La très ancienne noblesse française descendait souvent de lignages francs ou normands, ce qui peut expliquer l’origine germanique du patronyme de Gaulle. Walle provient du vieux saxon wal, qui a donné l’anglais wall ou le danois val. Le vieux saxon wal est un emprunt au latin vallum (rangée de pieux, palissade, rempart), de vallus (pieu).

La famille maternelle de Charles de Gaulle, les Maillot, était originaire des Flandres françaises. C’est du côté de cette famille maternelle que le général de Gaulle avait des ancêtres irlandais (les MacCartan, Jacobites réfugiés en France après la Glorieuse Révolution), écossais (les Fleming), et allemands (les Kolb, du Duché de Bade). Le grand-père maternel du général de Gaulle était un industriel textile lillois. Bien que la famille de Gaulle vécût à Paris, la mère du général de Gaulle se rendit dans sa famille à Lille pour donner naissance à son fils, en accord avec la tradition familiale.

Éducation et famille

Né à Lille le 22 novembre 1890 dans une famille catholique résidant à Paris, Charles de Gaulle était le fils d’Henri, professeur de lettres et d’histoire, et de Jeanne Maillot. Charles a trois frères, dont deux seront résistants et une sœur :

* Xavier de Gaulle (1887-1955), qui sera prisonnier de guerre, puis résistant pendant la Seconde Guerre mondiale ; il est le père de Geneviève de Gaulle-Anthonioz.

* Jacques de Gaulle (1893-1946), qui restera handicapé en 1926 après une encéphalite.

* Pierre de Gaulle (1897-1959) qui sera résistant, homme politique, administrateur de sociétés.

* Marie-Agnès de Gaulle (1889-1982).

Très tôt, son père fait découvrir à Charles les œuvres de Barrès, Bergson et Péguy. La famille est alors monarchiste et compte parmi les lecteurs de L’Action française (jusqu’à la condamnation du mouvement de Charles Maurras par le Vatican). Sa famille est considérée comme « catholique libérale », sera dreyfusarde et bien que « monarchiste de regret » se ralliera à la République dans le sens indiqué par le pape. Son père est en outre un admirateur de Louis Rossel, « général » de la Commune de Paris, fusillé par les Versaillais.

Charles de Gaulle fait une partie de ses études primaires à l’école des frères des écoles chrétiennes de la paroisse Saint-Thomas-d’Aquin (aujourd’hui lycée Saint-Thomas-d’Aquin) à Paris. Lors de la crise politique résultant de la séparation de l’Église et de l’État en 1905, Charles de Gaulle est amené à poursuivre ses études en Belgique, première expérience d’exil.

Entré 119e sur 221 à l’École militaire de Saint-Cyr en 1908 après avoir fait ses classes préparatoires au prestigieux collège privé catholique Stanislas à Paris, il en sortit diplômé en 1912 (promotion de Fès dont le major fut le futur maréchal Juin) et rejoignit l’infanterie. Affecté au 33e régiment d’infanterie à Arras, il est alors sous les ordres du colonel Pétain.

Première Guerre mondiale

Lieutenant au début de la Première Guerre mondiale, il est ensuite nommé capitaine en janvier 1915. Blessé dès son premier combat à Dinant le 15 août 1914, il rejoint le 33e RI sur le front de Champagne pour commander la 7e compagnie. Il est à nouveau blessé le 10 mars 1915 à la main gauche, sur la Somme. Décidé à en découdre, il désobéit à ses supérieurs en ordonnant de tirer sur les tranchées ennemies. Cet acte lui vaut d’être relevé huit jours de ses fonctions. Officier tatillon, volontiers cassant, son intelligence et son courage face au feu le distinguent au point que le commandant du 33e RI lui offre d’être son adjoint. Le 2 mars 1916, son régiment est attaqué et presque détruit par l’ennemi en défendant le village de Douaumont, près de Verdun. Sa compagnie est anéantie au cours de ce combat et les survivants sont encerclés. Selon la version officielle, il tente alors une percée ; la violence du combat l’oblige à sauter dans un trou d’obus, pour se protéger, mais des Allemands l’imitent et le blessent d’un coup de baïonnette à la cuisse gauche[1]. Pris par les troupes allemandes, il est soigné et interné. Un soldat de sa compagnie a toutefois fourni une autre version des faits : « Nous avons été encerclés et sous les ordres de notre capitaine de Gaulle nous avons été obligés de nous rendre. »

Après une tentative d’évasion manquée, il est transféré au fort d’Ingolstadt, en Bavière, un camp de représailles destiné aux officiers remuants. Il y croise le futur général Georges Catroux, le journaliste Rémy Roure, l’éditeur Berger-Levrault et le futur maréchal soviétique Toukhatchevski. Un « lamentable exil », c’est en ces termes qu’il décrit à sa mère son sort de captif. Pour tromper l’ennui, de Gaulle organise pour ses compagnons de captivité des exposés magistraux sur l’état de la guerre en cours. Mais surtout, il tente de s’évader à cinq reprises, sans succès. Il est libéré après l’armistice du 11 novembre 1918 et retrouve les siens en décembre. De ces deux ans et demi de captivité, il en gardera un souvenir amer, estimant être un « revenant », un soldat inutile qui n’a servi à rien. Il recevra, toutefois, à l’issue de la Grande Guerre la croix de chevalier de la Légion d’honneur, le 23 juillet 1919 et la croix de guerre 1914-1918 avec étoile de bronze.

Concernant cette période de captivité qui a suivi sa reddition, le général Perré a déclaré en 1966 : "Un de mes amis qui fut prisonnier avec de Gaulle m’a rapporté ceci. Les Boches qui faisaient l’honneur aux officiers français qui s’étaient courageusement battus de leur rendre leur sabre pour certaines manifestations comme la messe par exemple, ne le rendirent pas au capitaine de Gaulle. Celui-ci, croyant en un oubli, le leur réclama sèchement. Les Allemands s’étonnèrent de sa demande mais, à tout hasard, refirent une enquête sur les conditions de sa reddition. Renseignements pris, les Allemands ne rendirent pas son sabre au capitaine de Gaulle".

Entre-deux-guerres

Charles de Gaulle poursuit sa carrière militaire.

De 1919 à 1921, de Gaulle est envoyé en Pologne où il participe à la formation de la nouvelle armée qui lutte victorieusement contre l’Armée rouge. Il se laisse influencer par l’atmosphère violemment antisémite et pogromiste, comme en attestent deux lettres envoyées à sa famille et reproduites dans le deuxième volume des Lettres, notes et carnets.

À son retour, le capitaine de Gaulle est chargé de cours à l’École de Saint-Cyr, avant son admission à l’École supérieure de guerre en 1922.

Charles de Gaulle épouse le 7 avril 1921 Yvonne Vendroux (22 mai 1900 à Calais - 8 novembre 1979 à Paris), dont il aura trois enfants :

* Philippe de Gaulle (28 décembre 1921 à Paris) [il sera amiral, puis sénateur].

* Élisabeth de Gaulle, née le 15 mai 1924 à Paris.

* Anne de Gaulle (1er janvier 1928 à Trèves - 6 février 1948 à Colombey-les-Deux-Églises), née trisomique.

En 1925, il est détaché à l’état-major du maréchal Pétain, vice-président du Conseil supérieur de la Guerre. Il est affecté à Trèves en 1927, comme commandant du 19e Bataillon de chasseurs à pied (BCP). Le 1er janvier 1928 naît sa seconde fille Anne. De Gaulle est muté au Levant en 1929 et passe deux ans à Beyrouth avec sa famille. En 1931 il est affecté au secrétariat général de la Défense nationale à Paris. Ce nouveau poste est pour lui important, car c’est l’occasion de s’initier aux affaires de l’État.

C’est durant ces années que Charles de Gaulle développe ses théories militaires : il publie La Discorde chez l’ennemi (1924), Le Fil de l’épée (1932), Vers l’armée de métier (1934) et La France et son armée (1938). Ce dernier livre provoqua une brouille avec le Maréchal Pétain, lequel aurait voulu le signer.

En 1932, Le Fil de l’épée rappelle l’importance de la formation des chefs et le poids des circonstances. Il aborde la théorie de la nécessité d’un corps de blindés, alliant le feu et le mouvement, capable d’initiatives et d’offensives hardies.

Dans son ouvrage Vers l’Armée de métier publié en 1934, il développe cette question de fond qui nécessite la création d’une armée professionnelle aux côtés de la conscription. Cependant, cette idée rencontre peu d’échos favorables, à l’exception notable de l’Action française, qui salue à plusieurs reprises sous la plume de Charles Maurras et de Jacques Bainville ses conceptions modernes d’une guerre d’offensive et sa méfiance vis à vis du germanisme renaissant, Paul Reynaud, député de droite, ou de Philippe Serre.

À l’étranger, en revanche, l’emploi des blindés tel que de Gaulle le préconise suscite la plus grande attention (Guderian, Liddell Hart). Vers l’armée de métier n’a en France qu’un bref succès de curiosité, mais inspire, de son propre aveu, le général Guderian, créateur de la force mécanique allemande.

À Paris, de Gaulle fréquente diverses personnalités autour du colonel Émile Mayer, retraité très ouvert, favorable à la réforme de la stratégie qui ne doit pas se contenter de la défensive derrière la ligne Maginot. Cependant, ni l’un ni l’autre ne sont écoutés.

Partant des idées du général Fuller et du critique militaire britannique Liddell Hart, de Gaulle défend une guerre de mouvement menée par des soldats de métier, et appuyée par des blindés. De Gaulle fait sa première conférence à La Sorbonne au printemps 1934, sous l’égide du cercle Fustel-de-Coulange, une vitrine de l’Action française[5]. D’inspiration monarchiste, Charles de Gaulle, militaire soumis au devoir de réserve, révèle dans sa correspondance privée son peu de considération pour le parlementarisme et lui préfère un régime fort[6]. Jusqu’à la fin de sa vie, il marquera son admiration pour la personnalité et l’œuvre de l’historien royaliste Jacques Bainville.

Ses idées se heurtent pourtant d’une part au profond conservatisme des dirigeants militaires, et d’autre part aux réticences des Républicains face à un militaire de réputation maurrassienne. Pourtant de Gaulle, disciple de Péguy (influencé par le socialisme de Pierre Leroux) et de Bergson, a été formé par le colonel Mayer, officier d’origine israélite, dreyfusard et socialisant. Il a dans son sillage fréquenté le socialiste Club du Faubourg (il avait avant la première guerre mondiale assisté à Lille à des meetings de Jaurès) et les mouvements non-conformistes des années trente (Esprit, etc.). Il avait aussi adhéré aux organisations catholiques de gauche : le Sillon de Marc Sangnier, « les Amis de Sept », les « Amis de Temps Présent », ancêtre de Témoignage chrétien[réf. nécessaire]. Ces derniers mouvements étaient par ailleurs favorables au Front populaire et à l’intervention de la France aux côtés des Républicains espagnols.

Léon Blum manifeste sa vive hostilité pour les idées du colonel de Gaulle dans trois articles publiés par le Populaire, car il craint que cette armée ne soit utilisée contre le peuple, notamment les grévistes. Et de fait, comme le montre une lettre de 1935 envoyée à Paul Reynaud, de Gaulle n’excluait nullement une telle possibilité. Certains passages des livres publiés par le colonel de Gaulle suscitent d’ailleurs l’approbation de l’Action française.

Colonel en 1937, il est nommé à la tête du 507e régiment de chars à Metz. Lors de la déclaration de guerre de la France et du Royaume-Uni à l’Allemagne le 3 septembre 1939, le colonel de Gaulle est nommé commandant des chars de la Ve Armée.

Seconde Guerre mondiale

Lorsque la guerre éclate, le général de Gaulle est toujours colonel (même si son avancement semble prochain), commandant le 507e régiment de chars de combat (RCC), à Metz. En janvier 1940, il envoie à quatre-vingts personnalités, dont Léon Blum, Paul Reynaud, ainsi qu’au général Gamelin et au général Weygand, un mémorandum fondé sur les opérations de Pologne. Intitulé L’Avènement de la force mécanique, le texte insiste sur la nécessité d’allier le char et l’aviation.

Trois jours avant l’offensive allemande du 10 mai 1940, qui conduit à une percée rapide du front français, le colonel de Gaulle est averti de la décision du commandement de lui confier la 4e DCR, la plus puissante des grandes unités de l’armée française dont il prend effectivement le commandement le 11 mai. Le 15 mai, il reçoit la mission de retarder l’ennemi dans la région de Laon afin de gagner des délais pour permettre de mettre en place la 6e armée chargée de barrer la route de Paris. Mais sa division blindée n’est encore qu’en cours de constitution, ses unités n’ayant jamais opéré ensemble. Il dirigea pourtant avec cette unité une contre-attaque vers Montcornet, au nord-est de Laon, l’une des seules qui parvint à repousser les troupes allemandes. Prévoyant la défaite rapide de l’armée française sous l’offensive allemande, les civils et le militaires désarmés sur les routes, il affirmera que c’est durant la journée du 16 mai que « ce qu’[il] a pu faire, par la suite, c’est ce jour-là qu’[il] l’a résolu. »[8]. N’ayant reçu qu’une partie des unités de la 4e DCR, le colonel de Gaulle lance une première attaque avec 80 chars pour tenter de couper les lignes de communication des divisions blindées allemandes le 17 mai. Après avoir atteint ses objectifs dont la ville de Moncornet, la 4e DCR, n’étant pas appuyée, est contrainte de se replier face à l’intervention de renforts ennemis.

Les autres unités de la 4e DCR ayant rejoint, une nouvelle attaque peut être lancée avec 150 chars qui, après avoir permis d’atteindre les premiers objectifs, est arrêtée par l’intervention de l’aviation d’assaut et de l’artillerie allemandes.

Le 28 mai, après un déplacement de 200 km, très éprouvant pour le matériel, la 4e DCR, dont le chef est général à titre temporaire depuis quatre jours, attaque à deux reprises pour détruire, à hauteur d’Abbeville, une poche que l’ennemi a conquise au sud de la Somme. L’opération est un succès qui permet de faire plus de 400 prisonniers et de résorber toute la poche à l’exception d’Abbeville en raison de la supériorité en nombre et en artillerie de l’adversaire. Celui-ci ne pourra franchir la Somme que plus tard au nord d’Abbeville, mais la deuxième attaque ne permettra pas à la 4e DCR de prendre la ville en raison de la supériorité numérique de l’adversaire.

Le 1er juin, il fait fonction de général de brigade à titre temporaire. Le 6 juin 1940, le général de Gaulle est convoqué d’urgence à Paris par Paul Reynaud, président du Conseil, pour occuper un poste ministériel dans son gouvernement, celui de sous-secrétaire d’État à la Guerre et à la Défense nationale. Charles de Gaulle sort à ce moment-là de la hiérarchie militaire. Il a pour mission de coordonner l’action avec le Royaume-Uni pour la poursuite du combat. Le 9, il rencontre Churchill qu’il tente en vain de convaincre d’engager davantage de forces, y compris aériennes, dans la bataille. Le 10 juin, de Gaulle quitte Paris, déclarée ville ouverte, pour Orléans, Briare et Tours. En mission à Londres, le 16 juin, il dicte au téléphone la note Anglo-French Unity de Jean Monnet à Paul Reynaud. De retour de mission, le même jour, à Bordeaux, il apprend la démission du président du Conseil, Paul Reynaud, son remplacement par le maréchal Pétain et la demande d’armistice. Le général de Gaulle est donc évincé de ce gouvernement.

Appel du 18 juin 1940

Le 18 juin, de Gaulle se prépare à parler au peuple français via Radio Londres de la BBC. Ce jour-là, il appelle les Français à la résistance depuis sa retraite en Angleterre. Le cabinet britannique tente de s’y opposer, mais Winston Churchill le soutient. Depuis la France, l’Appel du 18 Juin peut être entendu à 19 heures. De ce jour, ce texte demeure l’une des plus célèbres allocutions de l’Histoire de France.

Le gouvernement britannique avait au préalable proposé au ministre français de l’Intérieur Georges Mandel de passer au Royaume-Uni et de lancer lui-même un appel. Mandel s’était, par ses avertissements répétés contre les menaces du IIIe Reich (et en opposition à ce sujet avec son ami le président du Conseil Léon Blum), signalé comme un homme d’État et de caractère. Mais il refusa de quitter la France pour ne pas prêter le flanc à une critique de désertion qui aurait aussitôt été exploitée (il était juif).

On sait aujourd’hui que tout au long de la journée du 18 juin, le conseil des ministres britannique a discuté du texte de De Gaulle. Les anciens munichois, derrière le ministre des Affaires étrangères lord Halifax, veulent encore ménager le gouvernement Pétain et attendre de voir s’il va effectivement signer l’Armistice. Winston Churchill, vieux partisan de la fermeté contre Hitler et de la poursuite de la lutte, doit mettre son autorité dans la balance. De Gaulle put finalement prononcer son texte, mais dut accepter d’en modifier les deux premières lignes dans un sens moins dur pour le gouvernement français. Cette modification longtemps occultée disparut dans le texte transmis à la presse, puis dans les Mémoires de De Gaulle.

La France libre

De Londres, de Gaulle forme d’abord et dirige les Forces françaises libres. En France, de Gaulle est condamné par contumace d’abord à dix ans de prison puis, par Pétain lui-même à la peine de mort en juillet 1940 pour trahison. Obtenant le ralliement de plusieurs possessions coloniales françaises, notamment en Afrique (le 28 août le Tchad, le Congo et le Cameroun, le Gabon étant conquis dans le mois de novembre 1940), il constitue la France libre, gouvernée par son Comité national français à partir du 24 septembre 1941. Mais il fait surtout en sorte que la France reste présente dans le camp allié, par ses Forces françaises libres (FFL) qui continuent le combat sur les différents fronts. En outre, il stimule et obtient le ralliement de la résistance intérieure, grâce au colonel Passy, à Pierre Brossolette et à Jean Moulin, ce qui le conduit à transformer la France libre en France combattante. Ce ralliement n’allait nullement de soi : comme l’a noté Robert O. Paxton dans La France de Vichy, en 1940, les résistants de gauche refusent de voir dans ce militaire trop proche de l’Action française un chef convenable, et beaucoup de résistants de droite lui reprochent sa dissidence explicite avec Vichy - à moins qu’ils ne préfèrent, comme Marie-Madeleine Fourcade, n’avoir de relations qu’avec les services secrets britanniques. Selon Jean Pierre-Bloch, Christian Pineau, Henri d’Orléans (« comte de Paris ») et même le gaulliste Pierre Lefranc, le ralliement à la République n’aurait d’ailleurs été que tactique, avant une restauration monarchique (selon Henri d’Orléans). Mais les républicains étant hégémoniques dans la Résistance intérieure et de plus en plus puissants au sein de la France libre, la concurrence du général Giraud, militaire égaré en politique et qui commet lui la maladresse de ne pas condamner Vichy avant mars 1943, l’invite à rallier les républicains et à en obtenir le soutien.

À partir de 1942, De Gaulle devient l’incarnation de la France, en opposition au Maréchal Pétain. Il n’aura de cesse que de protéger les intérêts de la France dans la guerre et après le conflit. Il obtient ainsi de Churchill la signature le 7 août 1940 de l’accord des Chequers, par lequel le Royaume-Uni s’engage à sauvegarder l’intégrité de toutes les possessions françaises et à la « restauration intégrale de l’indépendance et de la grandeur de la France ». Le gouvernement britannique s’engage de plus à financer toutes les dépenses de la France libre, mais de Gaulle insiste pour que ces sommes soient des avances remboursables et pas des dons qui jetteraient une ombre, aussi ténue soit elle, sur l’indépendance de son organisation. Les sommes dites seront effectivement remboursées, et bien avant la fin de la guerre.

Malgré les relations de confiance scellées par traités entre Churchill et de Gaulle, les deux géants ont des relations parfois tendues, gênées par l’anglophobie que manifestait le Général dans les années 1920 et 1930, mais jamais malsaines. Et quand Churchill, à court d’argument lance à de Gaulle « Mais vous n’êtes pas la France ! Vous êtes la France combattante, nous avons consigné tout cela par écrit », de Gaulle réplique immédiatement : « J’agis au nom de la France. Je combats aux côtés de l’Angleterre mais non pour le compte de l’Angleterre. Je parle au nom de la France et je suis responsable devant elle ». Churchill abdique alors en poussant un « J’avais espéré que nous pourrions combattre côte à côte. Mais mes espoirs ont été déçus parce que si vous êtes si combatif que non content de lutter contre l’Allemagne, l’Italie et le Japon, vous voulez aussi combattre l’Angleterre et l’Amérique... ». De Gaulle recadre alors le débat en précisant « Je prends cela comme une plaisanterie, mais elle n’est pas du meilleur goût. S’il y a bien un homme dont les Anglais n’ont pas à se plaindre, c’est bien moi ». Pour la petite histoire, Churchill avait surnommé De Gaulle « Jeanne d’Arc ».

Les relations avec Franklin Delano Roosevelt sont plus problématiques, car le président américain, probablement mal informé sur la situation en France par l’ambassadeur américain à Vichy (jusqu’au mois de mai 1942), l’amiral Leahy, lui-même intoxiqué par les pétainistes, n’a aucune confiance en de Gaulle. De fait, les deux hommes se détesteront. Un mot de De Gaulle à Churchill explique en partie l’attitude française face à l’Amérique : « Je suis trop pauvre pour me courber. » De surcroît, au contraire du Général qui mise beaucoup sur l’Empire français, le président américain est profondément hostile au système colonial, et envisage de confier après la guerre les colonies françaises à une institution internationale qui préparerait leur évolution vers l’indépendance. Roosevelt projetait de faire de la France un État faible, et le projet d’Allied Military Government of Occupied Territories (AMGOT) allait d’ailleurs très loin dans cette direction, en traitant la France comme un vaincu, plutôt que comme une des puissances victorieuses. La haine de Roosevelt était tellement flamboyante (il considérait de Gaulle au pire comme un futur tyran, au mieux comme un opportuniste) que même ses adjoints finirent par en prendre ombrage, y compris le très pusillanime secrétaire des affaires étrangères Cordell Hull qui, finalement, se rangea aux côtés de la France libre et de son chef. Certains pensent que l’une des raisons de ce revirement fut la crainte par les Américains d’un retournement de la Résistance contre eux (alors même que le débarquement était imminent) en cas d’occupation de la France.

La libération de la France et de ses colonies

Malgré son exclusion par Roosevelt du débarquement américano-britannique en Afrique du Nord (opération Torch), et surtout malgré le soutien apporté par les États-Unis à l’amiral François Darlan, puis au général de groupe d’armées Giraud, de Gaulle réussit à prendre pied à Alger en mai 1943. Il y créa avec Henri Giraud le Comité français de la Libération nationale (CFLN), pour unifier la direction de l’Empire libéré, et fut bientôt à sa tête.

Après le débarquement en Normandie, le 6 juin 1944, le général de Gaulle fit son entrée en territoire français sur la plage de Courseulles-sur-Mer en Normandie le 14 juin 1944. Ce même jour, il prononça le premier discours de Bayeux. Le CFLN prit alors le nom de Gouvernement provisoire de la République française (GPRF) Les Français découvrent alors son imposante silhouette (il mesure 1,93 m).

La fermeté et la rapidité avec lesquelles le général de Gaulle a rétabli l’autorité d’un gouvernement national permettaient d’éviter la mise en place de l’AMGOT, prévu par les Américains, qui auraient voulu faire de la France libérée un État administré et occupé par les vainqueurs. il insiste avec vigueur auprès du général Eisenhower, commandant en chef des armées alliées, pour que Paris soit libéré rapidement, alors que sa stratégie prévoyait d’aller directement vers l’est sans passer par la capitale.

La 2e division blindée du général Leclerc libère Paris le 25 août et celui-ci reçoit la reddition de Von Choltitz. Ce même jour, le général de Gaulle se réinstalle au ministère de la Guerre, rue Saint-Dominique à Paris, dans le bureau qu’il occupait jusqu’au 10 juin 1940, signifiant ainsi que Vichy était une parenthèse et que la République n’a jamais cessé d’exister. Puis il se rend à l’hôtel de ville où il prononce un discours dans lequel il insiste sur le rôle essentiel joué par les Français pour leur propre libération. Le lendemain, 26 août, il descend triomphalement les Champs-Élysées. Le "peuple dans ses profondeurs" est dans un enthousiasme indescriptible. Le 9 septembre, un gouvernement d’unanimité nationale est constitué, sous sa présidence.

Le GPRF se vit transféré à Paris libéré en septembre 1944.

Une Assemblée constituante fut ensuite élue en octobre 1945, six mois après la fin de la guerre.

Au Gouvernement provisoire de la France

Article détaillé : Gouvernement provisoire de la République française.

De Gaulle initie l’attribution du droit de vote aux femmes de France à la Libération. D’autres réformes sont entreprises à la Libération, des nationalisations à la mise en place d’un système de sécurité sociale moderne, notamment (plus que celui de l’Alsace, qui avait gardé depuis 1918 celui de Bismarck et le conserva). Elles doivent beaucoup à la SFIO, Parti communiste et au Mouvement républicain populaire (MRP).

Président du Gouvernement provisoire, mais en désaccord avec l’Assemblée constituante sur la conception de l’État et le rôle des partis, de Gaulle remet sa démission sur la question des crédits militaires au président de l’Assemblée nationale, Félix Gouin, le 20 janvier 1946. Il a rempli la mission qu’il s’était donnée le 18 juin 1940 : libérer le territoire, restaurer la République, organiser des élections libres et démocratiques, entreprendre la modernisation économique et sociale. Mais de Gaulle espère qu’on fera à nouveau très vite appel à lui.

Parcours politique pendant la IVe République

Le 16 juin 1946, de Gaulle expose sa vision de l’organisation politique d’un État démocratique fort à Bayeux, en Normandie, dans un discours resté célèbre ; mais il n’est pas suivi. La gauche, les démocrates-chrétiens et une partie de la droite considèrent que ses idées sont trop éloignées de la tradition républicaine et parlementaire.

Fondation du RPF

En 1947, il fonde un mouvement politique, le Rassemblement du peuple français (RPF) afin de transformer la scène politique française, de lutter contre le régime "exclusif" des partis, de s’opposer à l’avancée du communisme et de promouvoir une nouvelle réforme constitutionnelle privilégiant le pouvoir exécutif. Il propose également une troisième voie économique (l’association capital-travail). Le RPF reprend également les thèmes de la droite la plus traditionnelle : ultraconservatisme colonial (il critique jusqu’à la construction de lycées d’enseignement général à Madagascar), anticommunisme virulent (exploitant les inquiétudes sur l’avancée du communisme dans l’Union française et en Indochine) et même, au moins jusqu’en 1950, la clémence de Philippe Pétain, dont les députés RPF à l’initiative de Louis Terrenoire, ancien déporté, demandent l’amnistie. Les déclarations du Colonel Rémy réhabilitant le rôle du maréchal Pétain seront néanmoins immédiatement désavouées par le général de Gaulle mais pas l’initiative de Terrenoire. Il est vrai, comme le rappelle l’historien René Rémond (dans Les Droites en France), que c’est au nom de la réconciliation nationale qu’en 1949 et 1950, le même général De Gaulle plaidait pour l’élargissement du "vieillard de 95 ans". Le parti rallie également des résistants (Jacques Chaban-Delmas...) mais aussi des notables comme Édouard Frédéric-Dupont ou Edmond Barrachin (qui fut dans les années 1930, directeur du comité central du Parti social français). D’anciens pétainistes et même d’anciens collaborateurs parviennent à s’y rallier, notamment dans les sections d’Indochine et d’Algérie, dans le service d’ordre, dans les rangs des syndicats ouvriers proches du R.P.F. et parmi les maires élus en 1947. Certains polémistes du parti, notamment Jean Nocher, déploient une extrême agressivité verbale. Pour ces raisons, l’historien Henry Rousso (dans Le Syndrome de Vichy) discerne au RPF « des tendances propétainistes, soit qu’elles aient été envoûtées par la magie du verbe maréchaliste, soit qu’elles aient été convaincues de son impact dans l’opinion ». René Rémond (Les Droites en France) préfère rapprocher davantage le RPF de la lignée du bonapartisme et du boulangisme, tout en observant que le RPF est, dans l’histoire du gaullisme, l’épisode le moins éloigné de ce « qu’en France on a l’habitude de qualifier de fascisme ». Il semble que nous ayons là affaire à une droite musclée mais républicaine, que l’on peut rapprocher du P.S.F. du colonel de La Roque, autre expression d’un courant que l’on ne peut qualifier de "fasciste" que par abus de langage.

Après un grand succès en 1947-1948 (35% des suffrages aux municipales de 1947, 42% des sénateurs élus en 1948), le RPF décline de 1949 à 1951. La gestion efficace des évènements sociaux de l’automne 1947 par le gouvernement de la troisième force a affaibli le mouvement gaulliste. Le recours à de Gaulle semble alors moins nécessaire pour les conservateurs, les modérés et le patronat. Dans l’opposition, le RPF connaît un véritable ostracisme de la part des autres partis politiques, entretenu par le refus du général de Gaulle de se compromettre avec les autres partis. En 1951, le RPF obtient encore plus de 4 millions de voix (22,3% des suffrages et 16,8% des inscrits) et 117 députés, mais les députés RPF ne sont pas assez nombreux pour infléchir la politique sociale, ni les institutions.

Le RPF est irrémédiablement affaibli par la défection de 27 députés comme Édouard Frédéric-Dupont et Edmond Barrachin qui votent la confiance au gouvernement d’Antoine Pinay en 1952 contre les consignes du Général. En juillet, quarante-cinq autres font défection. Les gaullistes se divisent alors entre les loyalistes dans l’Union des républicains d’action sociale (URAS) alors que les autres rejoignent l’Action républicaine et sociale (ARS).

Écartement du pouvoir

Aux élections locales de 1953, le RPF perd la moitié de ses suffrages. Il entre alors en hibernation. Les élus gaullistes participeront encore avec le PCF à l’échec de la Communauté européenne de défense (CED) en 1954, avant la mise en sommeil définitive du RPF le 13 septembre 1955.

Suite à la défaite électorale de son parti, le Général de Gaulle se retire à Colombey-les-Deux-Églises et rédige ses Mémoires de guerre. Les cinq années qui suivent sont surnommées la "traversée du désert", expression qui sera reprise pour désigner les périodes où d’autres personnalités politiques ou sportives sont hors des feux de la rampe dans l’attente d’un retour en grâce.

1958 : Retour au pouvoir

.

L’instabilité ministérielle, l’impuissance de la IVe République face à la question algérienne, déclenchée par une insurrection le 1er novembre 1954, conduisent le régime à une crise grave. Bon nombre de responsables politiques de tous bords en viennent à souhaiter le retour du Général.

Le 13 mai 1958, un comité de vigilance appelle à manifester contre le FLN à Alger. Un comité de salut public est créé, à la tête duquel se trouve le général Salan. Il lance un appel au général de Gaulle le 15 mai. L’insurrection prend de l’ampleur et risque de dégénérer en guerre civile. Le 19, le Général se dit "prêt à assumer les pouvoirs de la République". Certains voient dans cette déclaration un soutien à l’armée et s’inquiètent. Il rassure et insiste sur la nécessité de l’union nationale et s’il se présente encore comme le recours, il ne donne officiellement aucune caution ni à l’armée ni à quiconque. Néanmoins, un plan d’action militaire a déjà été mis en place en cas d’échec des négociations politiques.

Le 29 mai, le président de la République, René Coty, fait appel "au plus illustre des Français". Charles de Gaulle accepte de former un gouvernement. Sous pression, l’Assemblée nationale l’investit le 1er juin, par 329 voix sur 553 votants. Le général de Gaulle devient ainsi le dernier président du Conseil de la IVe République. Les députés lui accordent la possibilité de gouverner par ordonnance pour une durée de six mois, et l’autorisent à mener à bien la réforme constitutionnelle du pays.

La nouvelle Constitution, élaborée au cours de l’été 1958, est très proche des propositions avancées à Bayeux, avec un exécutif fort. Le général de Gaulle accepte cependant que le Parlement ait plus de poids qu’il ne le souhaitait.

La Constitution est adoptée par référendum le 28 septembre 1958, avec 79,2% de "oui". L’Empire l’approuve également, sauf la Guinée qui devient ainsi la première colonie française à obtenir son indépendance. Charles de Gaulle est élu par un large collège électoral, président de la République française et de la Communauté africaine et malgache, le 21 décembre. Il prend ses fonctions le 8 janvier 1959.

Entre le moment de son entrée en fonctions comme président du Conseil et son élection à la présidence de la République, Charles de Gaulle a largement amorcé la politique qui marquera son passage au pouvoir : outre la volonté de doter la France d’une nouvelle Constitution, le Général se soucie de la politique européenne de la France (rencontre avec le chancelier Adenauer le 14 septembre), de l’indépendance du pays face aux États-Unis (mémorandum du 17 septembre adressé au président Eisenhower), de l’assainissement des finances publiques (mesures du 27 décembre) et du sort de l’Algérie (il refuse les choix des comités de salut public et appelle à la "paix des braves" en octobre).

Crise de l’Algérie

À la suite des échecs de la IVe République en Indochine et en Algérie, une insurrection éclate à Alger et les putschistes civils et militaires organisent un Comité de salut public (en référence à celui de la Révolution française) le 13 mai 1958 pour maintenir l’Algérie française. Ils en appellent au retour du Général de Gaulle. L’antenne d’Alger mise en place par le ministre de la Défense Jacques Chaban-Delmas dès 1957, dirigée par Lucien Neuwirth et Léon Delbecque a influencé les partisans de l’Algérie dans la république française. Comme l’a rapporté Olivier Guichard dans Avec de Gaulle (voir bibliographie), l’antenne d’Alger faisait surtout de la transmission : le travail d’influence était supervisé par les deux plus proches collaborateurs du général de Gaulle, Guichard lui-même et, pour les militaires, Jacques Foccart. Le Général « savait tout, bien entendu », selon Olivier Guichard.

Au pouvoir pendant la Ve République

Précédé par Charles de Gaulle Suivi par René Coty Président de la République française 1959-1969 Alain Poher (intérim) Georges Pompidou

En novembre, les gaullistes remportent les élections législatives et obtiennent une confortable majorité. En décembre, de Gaulle est élu président de la République avec 78 % des voix au suffrage indirect par plus de 80 000 grands électeurs.

Charles de Gaulle prend ses fonctions de Président de la République le 8 janvier 1959. Il engage de difficiles mesures pour revitaliser le pays, avec en particulier l’introduction du nouveau franc (valant 100 anciens francs).

Sur la scène internationale, refusant la domination des États-Unis comme de l’URSS, il défend une France indépendante, disposant de la force de frappe nucléaire. Il met en place également les débuts du programme spatial français. En tant que membre fondateur de la Communauté économique européenne (CEE), il pose son veto à l’entrée du Royaume-Uni.

Quatre ans de conflit en Algérie

En ce qui concerne la guerre d’Algérie, de Gaulle suscita d’abord de grands espoirs parmi les Français d’Algérie auxquels il déclara le 4 juin 1958 « Je vous ai compris ». Il se garda toutefois de rien leur promettre de précis lors de ce discours, et ne reprit ni leur mot d’ordre d’"intégration" ni leur slogan "Algérie française" - expression qu’il n’utilisera qu’une seule fois, avec dans la voix un instant d’hésitation qui sera coupé au montage, le 7 juin à Mostaganem.

Mais il adopta aussi quelques mesures libérales en direction des insurgés algériens : "paix des braves" proposée au FLN en octobre 1958, grâces accordées à plusieurs rebelles dont Yacef Saadi, condamné à mort comme ancien dirigeant du FLN pendant la bataille d’Alger, interdiction officielle formelle des actes de torture. C’est également sous de Gaulle que les femmes musulmanes d’Algérie obtinrent le droit de vote, que l’on vit les musulmans pouvoir enfin voter à égalité avec les Européens (de ce fait, dès avant l’indépendance en 1962, une majorité des maires d’Algérie sont eux-mêmes des Musulmans), ou que fut nommé le premier préfet musulman d’Algérie (Mahdi Belhaddad à Constantine). De Gaulle annonça en personne la mise en œuvre du Plan de Constantine, dans cette ville, en septembre 1958 : ce plan prévoyait, sur cinq ans, la redistribution de 250 000 ha de terres, la construction de 200 000 logements et la création de 400 000 emplois. En 1960, De Gaulle n’hésita pas à recevoir en personne, à l’Élysée, sans l’avoir fait fouiller, le chef rebelle Si Salah, prêt à discuter avec la France par découragement.

Cependant, de Gaulle ne sanctionna ni ne muta aucun responsable de tortures, et celles-ci se poursuivirent dans les faits sur le terrain. Il laissa son Premier ministre, Michel Debré, vilipender comme "manœuvre communiste" le rapport accablant établi par le jeune Michel Rocard, et qui dénonçait l’entassement inhumain de deux millions de personnes civiles dans des « camps de regroupements ». Dès 1959, de Gaulle en revint aussi à une solution classique de répression militaire. À l’été 1959, l’opération "Jumelles", dite plan Challe, porta au FLN ses coups les plus rudes à travers tout le pays. Certes, De Gaulle réalisa rapidement qu’il n’était pas possible de résoudre le conflit par une simple victoire militaire, et commença à s’orienter à l’automne 1959 vers une solution conduisant inéluctablement à l’indépendance de l’Algérie. Mais jusqu’à l’hiver 1961/62, il choisit tout de même de poursuivre la guerre, au prix de nombreuses victimes et, selon l’historien Rémi Kauffer, d’un accroissement de l’usage de la torture. Jusqu’à la fin de 1961, la lutte contre le FLN est menée avec autant de vigueur, et même davantage, qu’avant. Selon Constantin Melnik, conseiller spécial de Michel Debré chargé de coordonner les services secrets, il y eut environ 500 assassinats politiques entre 1958 et 1961, dont certains n’avaient d’ailleurs aucun rapport avec la guerre d’Algérie, comme celui de Félix Moumié, indépendantiste camerounais.

Il reste difficile de savoir quand De Gaulle comprit que l’indépendance était la seule solution pour sortir d’un conflit coûteux en hommes, en argent et en prestige international. En 1961, il fit encore rédiger par Alain Peyrefitte un plan de partition de l’Algérie, sans doute en fait pour faire pression sur le FLN. Au même Alain Peyrefitte, il expliquait dès 1959 que "l’intégration" de l’Algérie à la France, défendue par les partisans de l’Algérie française, était une utopie : deux pays culturellement si éloignés et d’un tel différentiel de niveau de vie n’avaient pas vocation à en former un seul. Sans compter qu’au vu de l’accroissement démographique des musulmans, ce serait ouvrir la porte à leur immigration massive en métropole, dépassant de fort loin la simple venue traditionnelle de populations étrangères appelées à se fondre dans le creuset français : "Mon village deviendrait Collombey-les-Deux-Mosquées !" On me reproche de n’avoir pas su garder l’Algérie française, dira-t-il devant Peyrefitte en 1962, « mais elle n’a jamais été française : c’était une colonie. »

Dès le 16 septembre 1959, De Gaulle parle de "l’autodétermination" de l’Algérie. En janvier 1960, le limogeage du général Massu, qui avait critiqué sa politique, provoque la rupture avec les Français d’Algérie et l’érection de barricades au centre d’Alger. En janvier 1961, un referendum valide cependant massivement sa politique des deux côtés de la Méditerranée. Bientôt De Gaulle parle de l’« Algérie algérienne » en marche.

Avec l’armée de conscription, il fait échec au putsch des généraux à Alger en avril 1961. Quatre jours suffisent à mettre en déroute le « quarteron de généraux à la retraite » stigmatisés dans un de ses plus célèbres discours. Cette attitude provoqua de fortes résistances dans certains groupes nationalistes et de Gaulle fut obligé de réprimer des soulèvements de pieds-noirs en Algérie. Il fut alors la cible d’organisations terroristes telles que l’Organisation armée secrète (OAS) qui le surnommait la « Grande Zohra ». La métropole devint alors l’objet de vagues d’attentat de l’OAS et dans une moindre mesure de règlements de compte divers liés au FLN.

Dans la nuit du 17 au 18 octobre 1961 (au lendemain de l’assassinat de policiers par des militants du FLN), une manifestation pacifique d’Algériens, encore citoyens français, qui protestaient contre le couvre-feu imposé en métropole aux ressortissants d’Afrique du Nord, est férocement réprimée : matraquages, coups de feu, internement pendant plusieurs jours dans des conditions épouvantables. Le préfet de police Maurice Papon couvre alors ses policiers et le gouvernement l’ensemble de ses fonctionnaires. Selon le rapport de l’avocat général Jean Geromini, remis le 5 mai 1999, il y eut au moins 48 noyés pendant la nuit du 17 au 18 octobre, sans compter les personnes décédées des suites de leurs blessures ou de leurs conditions d’internement. Selon l’historien et éditorialiste Alain-Gérard Slama et Linda Amiri (qui a dépouillé les archives de la préfecture de police), le chiffre total est de l’ordre d’une centaine de victimes (L. Amiri compte 100 morts certains et 31 disparus). Les propos tenus par De Gaulle en conseil des ministres quelques jours après le drame sont connus grâce aux notes prises par son ministre Louis Terrenoire, et publiées par Eric Rossel : le Général ne s’y montre pas particulièrement indigné des exactions commises dans Paris.

Quelques mois plus tard, le 8 février 1962, lors d’une manifestation interdite, neuf manifestants sont tués par les forces de police au métro Charonne, dont huit sur le coup et un à l’hôpital. Selon l’historien Jean-Paul Brunet, professeur émérite à Paris-IV Sorbonne nouvelle et à l’ENS de la rue d’Ulm, Charles de Gaulle est « tout autant responsable de cette tragédie que le ministre de l’Intérieur Roger Frey, le préfet de police Maurice Papon, et toute la hiérarchie policière ». Une des raisons est, explique J.-P. Brunet « l’autoritarisme » du général. Selon l’historien Alain Dewerpe, directeur d’études à l’École des hautes études en sciences sociales, le massacre de Charonne n’est qu’une conséquence logique des « habitus de pouvoir » de De Gaulle et des gaullistes, dans la situation de la guerre d’Algérie : « la répression, même à éclipses, est devenue quasi automatique », et le respect de la vie humaine n’a rien d’un principe intangible.

Quant à l’organisation terroriste OAS, elle fut réprimée par des moyens impitoyables : exécutions sommaires, torture, polices parallèles, lesquelles n’hésitaient pas à recruter des truands, comme Georges Boucheseiche et Jean Augé. La Cour de sûreté de l’État fut créée en janvier 1963 pour en condamner les chefs, lesquels seront amnistiés quelques années plus tard (la Cour continue ensuite de juger des terroristes, jusqu’à sa suppression, en août 1981). En 1962, suite aux accords d’Évian, un cessez-le-feu est proclamé en Algérie. Le général de Gaulle fit adopter par référendum l’indépendance de l’Algérie, effective en juillet 1962.

Très irrité par le ralliement massif des Pieds-Noirs à l’OAS, à l’heure où celle-ci lance une vague de terreur et de terre brûlée en Algérie, De Gaulle n’aura aucun mot de compassion ni en public ni en privé pour le sort du million de Français rapatriés d’Algérie. Il refusa ainsi, comme l’a rapporté son ministre A. Peyrefitte, de prononcer lui-même un discours à destination des réfugiés.

En avril 1962, le Premier ministre Michel Debré fut remplacé par Georges Pompidou.

En septembre 1962, Charles de Gaulle proposa d’amender la Constitution afin de permettre au président d’être élu au suffrage direct. La réforme de la Constitution, malgré l’opposition du Parlement, de la totalité de la gauche et d’une bonne partie de la droite fut aisément acceptée lors d’un référendum populaire (62 % de « OUI »). Le Général se montrera toutefois déçu de ce que le "Oui" n’ait pas obtenu la majorité des inscrits, et que le "non" l’ait emporté dans 13 départements du Midi.

En octobre, l’Assemblée nationale vota une motion de censure contre le gouvernement Pompidou, mais le général refuse la démission que lui présentait le Premier ministre et choisit de dissoudre l’assemblée. Les nouvelles élections renforcèrent la majorité parlementaire gaulliste. De parlementaire jusque là, c’est en 1962 que le régime devenait authentiquement semi-présidentiel, ce qu’il restera jusqu’à nos jours.

Politique étrangère

De Gaulle dut attendre la fin du conflit en Algérie pour lancer réellement sa politique étrangère. En effet, le « boulet algérien » réduisait considérablement la marge de manœuvre française et, d’une façon ou d’une autre, il fallait avant toute chose mettre un terme à ce conflit. La politique de « l’indépendance nationale » est alors pleinement mise en application.

En 1962, après l’attentat du Petit Clamart, De Gaulle comprend la nécessité de doter son successeur d’une légitimité à la hauteur de celle que l’Histoire lui à donnée. Il instaure donc l’élection directe par le peuple du président de la République. Malgré l’opposition de la gauche et des disputes juridiques, le référendum est un triomphe.

Le 19 décembre 1965, il est réélu président de la République pour un nouveau mandat de 7 ans. De Gaulle n’est élu qu’au second tour de l’élection, mis en ballottage par François Mitterrand et Jean Lecanuet avec 13 083 699 voix, soit 55,20%. Il est vrai qu’il n’avait pas fait de campagne électorale. Ses adversaires lui reprochaient son nationalisme et tiraient argument d’une conjoncture économique déprimée en France.

Sur le plan International, de Gaulle continua à promouvoir l’indépendance de la France : il refusa à deux reprises (en 1963 et en 1967) l’entrée du Royaume-Uni dans la CEE ; il condamna dès 1964 l’aide militaire apportée par les États-Unis à la République du Viêt Nam (dite Viêt Nam du Sud) contre la rébellion communiste menée par le Viêt Minh (guérilla soutenue par le Nord-Viêt Nam), ainsi que la riposte israélienne au blocus du détroit de Tiran par l’Égypte, lors de la guerre des six jours en 1967. Il prit l’une de ses décisions les plus spectaculaires en 1966, lorsque la France se retira du commandement militaire intégré de l’OTAN, expulsant les bases américaines de son territoire, tout en restant membre de l’Alliance atlantique.

En ce qui concerne l’Europe, de Gaulle était partisan d’une « Europe des nations », où celles-ci devaient conserver leur pleine souveraineté, et hostile à l’idée d’une Europe supranationale. C’est ce qui le conduisit à mener la « politique de la chaise vide » de juin 1965 à janvier 1966.

Le 14 décembre 1965, de Gaulle déclara : « Bien entendu, on peut sauter sur sa chaise comme un cabri en disant l’Europe ! l’Europe ! l’Europe ! mais cela n’aboutit à rien et cela ne signifie rien. » Pourtant, c’est bien l’Europe qui fixe le cadre de son ambition, une Europe qui va même « de l’Atlantique à l’Oural », gommant d’un trait le provisoire rideau de fer. En effet, le pivot de la politique étrangère française est le rapprochement avec l’autre poids lourd du continent : l’Allemagne. C’est le vieux rêve de la diplomatie française que répète ici de Gaulle, en tournant le dos aux « Anglo-Saxons ». On pourrait en effet s’étonner de l’intransigeance gaullienne vis-à-vis du Royaume-Uni, tout particulièrement. Pour de Gaulle, comme pour Churchill d’ailleurs, le Royaume-Uni n’avait fait que son devoir en 1940, et il n’existait pas de « dette » française envers Londres liée à la Seconde Guerre mondiale. De Gaulle désapprouvait les relations privilégiées rapprochant le Royaume-Uni des États-Unis depuis la guerre, ainsi que la préférence économique impériale qui jouait entre celle-ci et les États du Commonwealth, rendant ainsi difficile son admission au sein de l’Europe. Aussi l’entrée d’un tel « cheval de Troie américain » au sein de l’Europe lui paraissait-elle non souhaitable. Les Britanniques attendront donc 1973 avant de rejoindre l’Union européenne.

La position de De Gaulle face au monde communiste était sans ambiguïté : il était viscéralement anticommuniste, et avait prophétisé la chute de ce système. « La Russie boira le communisme comme le buvard l’encre ». Il prône la normalisation des relations avec ces régimes « transitoires » aux yeux de l’Histoire de façon à jouer le rôle de pivot entre les deux blocs. La reconnaissance de la Chine communiste dès le 27 janvier 1964 va dans ce sens, de même que son voyage en URSS de juin 1966.

Les relations entre de Gaulle et les États-Unis sont assurément les plus épicées. Malgré quelques tensions vives, de Gaulle sera toujours au rendez-vous en cas de « vrai » coup dur : Berlin ou Cuba, notamment. En revanche, dès que les Américains franchissent la ligne jaune, de Gaulle n’hésite pas à dresser publiquement un procès verbal notamment lors de son discours du 1er septembre 1966 à Phnom Penh vilipendant l’attitude américaine au Viêt Nam, un théâtre d’opération que la France connaissait d’ailleurs fort bien...

C’est surtout en matière de politique étrangère qu’il convient d’introduire la notion essentielle pour comprendre la pensée gaullienne : « une certaine idée de la France ». De Gaulle puise sa force dans la connaissance de l’Histoire de France. Selon lui, le poids de cette Histoire est tel qu’il donne à la France une position particulière au sein du concert des nations. Convaincu que les relations internationales reposent avant tout sur les réalités nationales et les rapports entre États, il surnomme l’ONU « le machin » et refuse que la France participe au financement des opérations menées par les "casques bleus" contre la sécession katangaise au Congo ex-belge.

En Afrique francophone, il affiche une relative neutralité face aux coups d’État qui se succèdent, mais n’hésite pas à apporter son soutien aux régimes en place quand il le juge nécessaire, allant jusqu’à faire intervenir les troupes françaises au Gabon (1964) et au Tchad (1968). En revanche, face au Nigeria anglophone, la France appuie en sous-main dès 1967, puis de plus en plus ouvertement à partir de 1968, la tentative de sécession du Biafra.

Force de frappe

Convaincu de l’importance stratégique de l’arme nucléaire, De Gaulle poursuit le développement de celle-ci, sous la protestation de l’opposition qui n’y voyait qu’une bombinette. La réponse de De Gaulle sera : « Dans dix ans, nous aurons de quoi tuer 80 millions de Russes. Eh bien je crois qu’on n’attaque pas volontiers des gens qui ont de quoi tuer 80 millions de Russes, même si on a soi-même de quoi tuer 800 millions de Français, à supposer qu’il y eût 800 millions de Français ».

Le rôle des États-Unis dans cette affaire paraît étrange. D’abord farouchement hostiles à l’idée même que la France devienne une puissance nucléaire, les États-Unis concluent, un peu vite, que la France n’est pas de taille pour ce défi technologique. Kennedy avait ensuite promis une aide dans le domaine nucléaire suite au soutien français sur les affaires de Berlin et de Cuba, mais ne tint pas sa promesse... Puis, Kennedy propose à De Gaulle de lui donner des missiles Polaris, comme il l’avait fait avec le Royaume-Uni. Mais De Gaulle refuse, déclarant qu’il veut que la France se bâtisse elle-même une armée. Cette réaction a surpris Kennedy et Macmillan(?). La question nucléaire empoisonna les relations franco-américaines durant toutes les années 1960. Il fallut attendre Richard Nixon pour trouver un premier président américain clairement « gaullien ». Nixon contourne d’abord les contraignantes législations américaines dans les domaines nucléaires avant d’ouvrir officiellement la voie de la collaboration nucléaire franco-américaine. Le gros du travail est déjà fait et les « bombinettes » françaises sont déjà fort efficaces, d’autant que le plan d’attaque éventuel de l’URSS par les Mirage IV fait état de la traversée à basse altitude du rideau de fer, selon l’intox officielle, alors que leur itinéraire était totalement différent.

François Mitterrand s’opposant de façon virulente à la bombinette, De Gaulle ne se refusa pas le plaisir de confier la supervision du projet à son frère, Jacques Mitterrand. Ainsi, « Ce que l’un critique, l’autre l’assurera », indiqua-t-il.

Conversion des dollars

Sur la recommandation de l’économiste Jacques Rueff qui voyait la conquête de l’espace et le conflit vietnamien déséquilibrer la balance des paiements des États-Unis, de Gaulle réclama à ces derniers la contrepartie en or d’une forte proportion des dollars détenus par la France. L’opération était légale, car le dollar était défini officiellement comme correspondant à 1/35 d’once d’or. Règlements internationaux obligent, les États-Unis durent obtempérer et l’or fut transféré en France. En 1971, les États-Unis mettront fin à la parité pour faire flotter le dollar. À la suite des chocs pétroliers de 1973 et de 1979, les cours de l’or s’envoleront : le conseil de Jacques Rueff était judicieux à long terme.

Affaire du « Québec libre »

Lors d’une visite d’État au Québec en 1967 afin, officiellement, de prendre part aux festivités entourant l’expo 67 comme l’avait enjoint le Premier ministre québécois Daniel Johnson, de Gaulle provoqua l’indignation des autorités fédérales canadiennes, lorsqu’à Montréal, devant une foule de plus de 100 000 Québécois, il ponctua son discours d’un retentissant : « Vive Montréal, vive le Québec... Vive le Québec libre ! », salué par une ovation générale. Cela déclencha une crise avec le gouvernement canadien. À la suite du discours de De Gaulle, qui contenait un certain nombre de clins d’œil (« Mais après tout, on se sent chez soi, ici », « Je vais vous confier un petit secret que vous ne répéterez à personne : sur mon chemin, j’ai vu une atmosphère qui m’a rappelé celle de la Libération »), le Premier ministre canadien, Lester B. Pearson déclara ces propos « inacceptables ». De Gaulle fit répondre que le mot inacceptable était lui-même inacceptable et annula unilatéralement la visite prévue à Ottawa. Il repartit séance tenante en France, délaissant le croiseur qui l’avait amené, le Colbert - moyen de transport délibérément choisi pour lui permettre d’éviter le protocole qui commandait l’arrivée via la capitale fédérale, Ottawa, chose qu’il ne pouvait se résoudre à faire, ayant été invité par le premier ministre du Québec, Daniel Johnson, plutôt que par le gouvernement canadien. Le but de De Gaulle n’était pas de provoquer un « clash » entre le Québec et le Canada, mais plutôt de regonfler les « Français du Canada » face aux voisins anglo-saxons. Il déclara d’ailleurs dans la foulée de cette visite au Québec, « je leur ai fait gagner 30 ans ». Sur les critiques, il eut à peu près ce mot : « il y a trois catégories de gens que cela va embêter. Les diplomates, mais bon, eux on s’en occupe, les journalistes, mais eux on s’en fout car ils n’écrivent pas l’Histoire, et puis les Anglo-Saxons. Eux ne m’ont jamais aimé, alors... ».

Dans la perspective de la Seconde Guerre mondiale, cette déclaration fut ressentie comme injuste par les Canadiens anglophones qui avaient soutenu la France libre, alors que les Québécois francophones, soucieux de l’indépendance du Canada vis-à-vis du Royaume-Uni, étaient moins enthousiastes pour participer à l’effort de guerre. Des envoyés de la France libre, Élisabeth de Miribel et le capitaine de vaisseau Georges Thierry d’Argenlieu - dont le titre de supérieur majeur de la province des Carmes de Paris était censé lui valoir le respect des catholiques - tentèrent en 1941 de rallier les Canadiens à la cause du général de Gaulle, avec un succès tout relatif, puisque les Québécois votèrent majoritairement contre la conscription lors du plébiscite du 27 avril 1942, sans toutefois réussir à empêcher la victoire du « oui ».

Charles de Gaulle a dit à Xavier Deniau, au moment d’embarquer à Brest, « Ils vont m’entendre là-bas, ça va faire des vagues ! ». Une semaine auparavant, se confiant à son gendre : « Je compte frapper un grand coup. Ça bardera. Mais il le faut. C’est la dernière occasion de réparer la lâcheté de la France. ». Puis, plus tard, dans l’avion du retour, se confiant à Bernard Dorin : « Ce qui vient de se produire, c’est un phénomène historique qui était peut-être prévisible mais qui a pris des formes que seul l’événement pouvait préciser. Bien entendu, j’aurais pu, comme beaucoup d’autres, m’en tirer par quelques courtoisies ou acrobaties diplomatiques, mais quand on est le Général de Gaulle, on ne recourt pas à des expédients de ce genre. Ce que j’ai fait, je devais le faire. »

Le gouvernement d’Ottawa dut dès cette époque traiter avec une attention particulière les revendications du Québec qui, fort de cet encouragement qui laissait présager un soutien fort de la France si besoin, commença à parler de faire sécession.

Cet exemple est devenu aujourd’hui un cas d’école en théorie des jeux, au même titre que la crise des missiles de Cuba. Pour reprendre un mot prononcé par de Gaulle en d’autres circonstances : « Ils auraient voulu continuer à jouer tranquillement à la belote, mais je les ai obligés à jouer au poker, et là, je suis le plus fort ».

Lors de sa traditionnelle conférence de presse de fin d’année, à l’Élysée, Charles de Gaulle justifia une fois de plus son geste d’éclat par un discours engagé, ponctué par un solennel « allons, allons, pour eux aussi, il faut que la France soit la France ! ».

Opposition armée

Attentat du Petit-Clamart

Un polytechnicien ingénieur de l’armement nommé Jean Bastien-Thiry âgé de 35 ans considérait l’indépendance de l’Algérie, même ratifiée par référendum, comme une forfaiture. Il conçut avec l’aide de personnes partageant son point de vue (appartenant à l’OAS - Organisation armée secrète) d’enlever de Gaulle ou même, si ce rapt se révélait impossible, de le tuer.

Un attentat fut organisé au Rond Point du Petit-Clamart le 22 août 1962. Il échoua, bien que la DS présidentielle montrât, parmi les impacts (environ 150 balles tirées), une trace de balle passée latéralement à quelques centimètres des visages du couple présidentiel. « Cela aurait fait une belle fin », commenta de Gaulle en regardant le trou laissé par l’impact.

Dans la déclaration qu’il fit lors de l’ouverture de son procès en 1963, Bastien-Thiry développa les motivations du complot basé essentiellement sur la politique algérienne du général de Gaulle. Parce qu’il avait fait tirer sur une voiture occupée par une femme et parce que, contrairement aux autres membres du commando, il n’avait pas pris de risques directs, Bastien-Thiry ne fut pas gracié par le général de Gaulle, comme le furent les autres membres du commando tout comme d’ailleurs les autres membres de l’OAS qui furent pris. Bastien-Thiry fut fusillé au fort d’Ivry, le 11 mars 1963.

Une autre version circule, d’après laquelle Michel Debré et Georges Pompidou ont demandé à De Gaulle la grâce du colonel Bastien-Thiry. De Gaulle aurait répondu qu’il pouvait accepter à la condition que Bastien-Thiry s’engage à ne plus jamais faire de politique. Michel Debré et Georges Pompidou se seraient précipité à la prison la veille de l’exécution pour inviter Bastien-Thiry à accepter l’offre qui lui était faite. Ce dernier aurait refusé.

De nombreux autres attentats furent également organisés malgré le fait accompli de l’indépendance, aliénant progressivement l’opinion publique face aux agissements terroristes de ces soldats perdus.

En 1968, une première amnistie permit aux derniers responsables de l’OAS, aux centaines de partisans de l’Algérie française encore détenus, et à d’autres, exilés, comme Georges Bidault ou Jacques Soustelle de rentrer en France. D’anciens activistes de l’Algérie française se rallièrent alors au gaullisme, en adhérant au SAC ou aux Comités de défense de la République (CDR). De Gaulle déclare à Jacques Foccart le 17 juin 1968 : « Il faut que nous allions vers une certaine réconciliation. » Les autres condamnations pénales sont effacées par les lois d’amnistie de 1974 et 1987. Les militaires sont réintégrés dans le cadre de réserve par l’amnistie de 1982.

Autres attentats

L’attentat du Petit-Clamart fut celui qui fut le plus près de réussir. Cependant de Gaulle fut plusieurs fois (une vingtaine ?) la cible d’attentat du fait de l’évolution de l’affaire algérienne.

* 8 septembre 1961 : une bombe commandée à distance est enterrée sur la route de Colombey, à Pont-sur-Seine, mais la DS présidentielle n’est pas endommagée. * 15 août 1964 : De Gaulle est au Mont Faron, près de Toulon. Une jarre avait été piégée de 8 pains de TNT mis à feu à distance. Ceux-ci n’explosent que le 28 août à 17h00 : en fait la bombe avait été trouvée par les RG qui l’avaient secrètement modifiée.

Le thème d’un attentat imaginaire contre le Général de Gaulle faisant suite à celui du Petit-Clamart fut exploité dans le film Chacal (1973) tiré du roman éponyme de Frederick Forsyth.

Mai 1968

Outre la réforme financière de 1958, la France bénéficie des « Trente Glorieuses » et de la croissance amorcée sous la IVe République. Les structures économiques sont modernisées, le niveau de vie s’accroît. Mais la croissance profite inégalement à tous, et un certain désenchantement apparaît face au blocage de la société. Les événements de Mai 1968 en sont le révélateur. Comme dans de nombreux pays étrangers, la contestation des étudiants se développe à partir de mars 1968. Les syndicats et les partis politiques de gauche profitent des manifestations étudiantes pour lancer une grève générale qui sera suivie par les ouvriers. Cette grève générale paralyse le pouvoir pendant le mois de mai, provoquant une crise sévère qui ébranle le sommet de l’État.

De l’avis de ses propres partisans, De Gaulle a été complètement surpris par une crise qu’il ne prévoit pas et ne comprend pas. Indifférent aux revendications étudiantes et à la "crise de civilisation" qu’elles révèlent, il ne voit là au mieux qu’un gigantesque chahut de jeunes qui ne veulent pas passer leurs examens, au pire une contestation de l’autorité de l’État à faire cesser sur-le-champ. Dans les premiers jours de mai, ses seules consignes sont de réprimer brutalement les manifestations étudiantes, contre l’avis de plusieurs de ses ministres qui conseillent l’apaisement. Mettant de l’huile sur le feu, le Général contribue de fait à l’escalade d’un conflit qu’il aurait été facile de circonscrire.

Après la nuit des barricades du 11 mai, De Gaulle, sceptique, laisse toutefois son Premier ministre Georges Pompidou, rentré d’Iran, mener une nouvelle politique d’apaisement. Pompidou, qui a du mettre sa démission dans la balance, veut éviter désormais les heurts, et parie sur l’essoufflement à terme du mouvement.

Du 14 au 18 mai, de Gaulle part en Roumanie, renonçant à annuler un déplacement prévu de longue date. Or en son absence, la grève générale se développe et des millions de grévistes paralysent la France, tandis que la Sorbonne et l’Odéon sont occupés sans réaction de la police. Seul aux commandes de l’État et de la majorité parlementaire, Pompidou paraît entre-temps devenu le vrai chef du pays, ne jugeant même plus nécessaire de faire référence au Général.

À son retour anticipé de Roumanie le 18 au soir, De Gaulle déçoit jusqu’à des fidèles inconditionnels en apparaissant dépassé et flottant, sans cette vivacité et cette efficacité de réaction qui le caractérisent d’habitude. Il se montre incapable de choisir clairement entre la prudence pompidolienne et la fermeté qu’il prêche lui-même. Il attend le 24 au soir pour parler en public, et pour n’annoncer des mesures déjà éventées depuis plusieurs jours, qui ne répondent à aucune préoccupation de l’heure. "J’ai mis à côté", confesse-t-il aussitôt après avoir visionné son allocution.

Le Général expose, dans cette allocution, qu’il entend que l’État doit rétablir l’ordre, maintenir la République. ’La rue, c’est le désordre, la menace du totalitarisme, "la chienlit"’. Propos du 19 mai, lors d’une entrevue entre le Général et quelques-uns de ses ministres, dont Georges Pompidou qui le rapporta aux journalistes à sa sortie de l’Élysée. Le soir même, de violents incidents éclatent à Paris, on relèvera des centaines de blessés et plusieurs barricades érigées.

Le 26 mai, les accords de Grenelle passés entre le gouvernement Pompidou, les représentants des syndicats et du patronat aboutissent à un train de mesures classiques. De Gaulle préside le conseil des ministres qui ratifie aussitôt les accords, mais à la surprise de Pompidou et des chefs syndicaux, la base rejette les avancées de Grenelle, estimant que c’est la société entière qui est en cause. Les grèves continuent.

Le 27, une manifestation stade Charléty lance l’idée d’un gouvernement provisoire. Le jour même, François Mitterrand reprend cette solution et annonce sa candidature à la présidence de la République. La crise politique atteint son sommet. À ses visiteurs, De Gaulle apparaît alors épuisé et las. Il gémit sur cette crise "insaisissable" ("on ne saisit pas un torrent avec ses mains") et semble accablé, vieilli, découragé.

La disparition soudaine et inexpliquée du chef de l’État, parti en hélicoptère le 29 mai pour une destination inconnue, provoque la stupeur et ouvre la voie à toutes les supputations. Il passe par Baden Baden où il est reçu par le général Massu. Pense-t-il à se retirer ? Veut-il s’assurer des sentiments de l’Armée ou simplement prendre du recul ? Veut-il déconcerter l’adversaire en laissant planer le doute sur ses intentions, et reprendre ainsi l’initiative ? Il semble que toutes ces raisons se soient conjuguées.

En tous cas, dès son retour à Paris le lendemain, son allocution radiodiffusée a le ton de la fermeté. Il y annonce la dissolution de l’Assemblée nationale. Elle est suivie d’une immense manifestation organisée par les gaullistes sur les Champs-Élysées.

De Gaulle était prêt à accepter certaines des revendications des manifestants. Il voulut faire approuver les réformes par référendum mais Georges Pompidou le persuada de dissoudre plutôt l’Assemblée nationale. De Gaulle l’annonça le 30 mai 1968, dans un discours radiodiffusé, comme l’appel du 18 juin ou l’intervention de 1960 pendant les barricades d’Alger. Les phrases étaient courtes, chacune ou presque une décision :

* « Étant le détenteur de la légitimité nationale et républicaine, j’ai envisagé, depuis vingt-quatre heures, toutes les éventualités, sans exception, qui me permettraient de la maintenir » (on savait que de Gaulle avait juste avant ce discours été voir en hélicoptère le général Massu à Baden-Baden) * « J’ai pris mes résolutions. Dans les circonstances présentes, je ne me retirerai pas. » * « Je ne changerai pas le Premier ministre, qui mérite l’hommage de tous. » * « Je dissous aujourd’hui l’Assemblée nationale » * « Je charge les préfets, devenus ou redevenus commissaires du peuple, d’empêcher la subversion à tout moment et en tous lieux » * « Quant aux élections législatives, elles auront lieu dans les délais prévus par la Constitution, à moins qu’on entende bâillonner le peuple français tout entier, en l’empêchant de s’exprimer en même temps qu’on l’empêche de vivre, par les mêmes moyens qu’on empêche les étudiants d’étudier, les enseignants d’enseigner, les travailleurs de travailler. Ces moyens, ce sont l’intimidation, l’intoxication et la tyrannie exercées par des groupes organisés de longue date en conséquence et par un parti qui est une entreprise totalitaire, même s’il a déjà des rivaux à cet égard ». De Gaulle opposait ainsi le Parti communiste français aux groupes maoïstes, alors que le premier semblait déjà bien dépassé par les événements. En clouant le PCF au pilori et lui prêtant une visée subversive délibérée, De Gaulle rompt avec la stratégie de Pompidou, qui n’a cessé de négocier avec le Parti au long du mois : ce dernier étant objectivement l’allié du gouvernement contre les gauchistes et pour le retour à l’ordre.

La fin du discours mentionne au sujet d’une déclaration juste antérieure, et sans la citer, « l’ambition et la haine de politiciens au rancart » et affirme qu’après avoir été utilisés « ces personnages ne pèseraient pas plus que leur poids, qui ne serait pas lourd ». Pour les besoins de la polémique, De Gaulle néglige juste les 45% des voix qui se sont portées en 1965 sur Mitterrand au second tour de la présidentielle, ou encore le simple siège de sa majorité aux élections législatives de 1967...

Après les discours un peu décevants qui avaient précédé, la France semblait retrouver son « de Gaulle des grands jours ». Une manifestation fut organisée pour faire pendant à celle du 13 mai 1968 et fut créditée d’un million de participants selon les organisateurs, trois cent mille selon la préfecture de police. Les élections de juin 1968 furent un grand succès pour les gaullistes qui obtinrent 358 des 487 sièges (du jamais vu dans l’histoire du parlementarisme français). Georges Pompidou fut remplacé par Maurice Couve de Murville au mois de juillet.

La campagne des législatives occupa les forces politiques, tandis que la reprise du travail se faisait progressivement. La reprise en main, autoritaire, se fait parfois sans ménagement. Les groupuscules gauchistes sont dissous, l’Odéon et la Sorbonne évacués, les journalistes grévistes de l’ORTF licenciés (un tiers de l’effectif total). Des Comités d’action civique, répondant à l’appel de De Gaulle, se constituent pour dresser des listes noires de grévistes et d’agitateurs notoires, et la police même renoue avec la brutalité des premiers jours de mai (quatre morts à déplorer en juin 1968). Cependant, De Gaulle bénéficie de la lassitude d’une opinion qui après avoir manifesté jusque fin mai sa sympathie majoritaire pour les révoltés, commence à se fatiguer de l’absence de perspectives du mouvement.

Les élections n’ont pourtant pas assez redynamisé le pouvoir. L’Assemblée nationale, plus à droite, est aussi plus frileuse face aux réformes pourtant nécessaires (participation, régionalisation, réforme de l’Université...). L’Élysée semble plus coupé des Français, la confiance n’est pas vraiment rétablie. L’éviction du vrai vainqueur de la crise, Pompidou, a été mal comprise, et ce dernier fait désormais figure de recours et de successeur potentiel. De Gaulle n’est plus irremplaçable.

Le référendum du 27 avril 1969 : départ du pouvoir

Dans un référendum portant sur le transfert de certains pouvoirs aux régions et la transformation du Sénat, de Gaulle proposait d’introduire des représentants des organisations professionnelles et syndicales au sein des conseils régionaux. Mettant tout son poids dans le référendum, il annonça à l’avance son intention de démissionner en cas de victoire du « non ». Celui-ci, auquel s’était rallié Valéry Giscard d’Estaing l’emporta par 52,41% le 27 avril 1969. Quelques minutes après minuit, le 28 avril 1969, un communiqué laconique tombe de Colombey : « Je cesse d’exercer mes fonctions de président de la République. Cette décision prend effet aujourd’hui à midi ».

L’après-pouvoir

Ce communiqué est le dernier acte public de « l’homme du 18 juin » : pour éviter d’être impliqué dans sa propre succession, il passe le temps de la campagne en Irlande où il vote par procuration ; ensuite il s’enferme à La Boisserie pour y écrire ses Mémoires d’espoir qui prendront la suite des Mémoires de guerre ; il y mènera une existence retirée voire recluse, n’y recevant que quelques anciens collaborateurs ou anciens ministres auxquels il conserve estime et confiance.

Il voyagea aussi en Espagne où il rendit visite de courtoisie au général Franco (Winston Churchill et Dwight Eisenhower l’avaient précédé plusieurs années auparavant, l’un officieusement lors de ses nombreuses escapades en Espagne, l’autre officiellement) déclarant regretter ne pas avoir pu le rencontrer plus tôt du fait des circonstances internationales. Même si De Gaulle n’exerçait plus alors de charge publique, qu’un homme de son prestige aille conférer admirativement avec le dictateur espagnol suscita de nombreuses critiques. André Malraux ne cachera pas que si elle s’était tenue du temps où il était au gouvernement, il aurait démissionné.

Décès

Le 9 novembre 1970 comme à l’accoutumé il entame une partie de patience. À 19h10 il est pris d’un malaise causé par une rupture d’anévrisme. Il meurt à 19h30. La nouvelle n’est communiquée que le lendemain par une brève allocution télévisée de Georges Pompidou. Sa mort, qui selon l’expression de son successeur, laisse « la France veuve », est l’occasion de prendre la mesure du rôle joué par De Gaulle dans l’histoire de France. Le soir du jour où sont célébrées ses obsèques à Colombey et alors que de nombreux chefs d’État étrangers sont rassemblés pour honorer sa mémoire à Notre-Dame de Paris, plusieurs centaines de milliers de Parisiens remontent l’avenue des Champs-Élysées dans la nuit, par une pluie battante, pour rendre hommage à de Gaulle.

Seul l’hebdomadaire satirique Hara-Kiri ose un titre provocateur (Bal tragique à Colombey, un mort) et est condamné.

Son testament qu’il avait rédigé en 1952 reste une dernière gifle d’outre-tombe aux conventions :

* « Je veux être enterré à Colombey ».

* « À mes obsèques, ni présidents, ni ministres ! » (le ministre des finances, Valéry Giscard d’Estaing, s’y rend tout de même en arguant que ce n’est pas en ministre qu’il vient, mais en simple Français). « Juste les Compagnons de la Libération » (ce qui incluait Jacques Chaban-Delmas et André Malraux). Tous les autres officiels, le président Nixon compris, se contentent d’assister à une simple messe en son honneur au même moment à Notre-Dame de Paris.

* « Sur ma tombe : Charles de Gaulle, 1890-19... Rien d’autre »

Hommage

Le nom de Charles de Gaulle a été donné à de nombreuses artères, des ponts ou des bâtiments importants des villes françaises : la rue du général-de-Gaulle à Sainte-Adresse (ville où le père de De Gaulle est enterré), par exemple. Sans dresser de liste de ces milliers de communes qui lui ont ainsi rendu hommage, on peut citer notamment la place Charles-de-Gaulle (anciennement place de l’Étoile) et le pont Charles-de-Gaulle à Paris, l’aéroport Charles de Gaulle (ex-aéroport de Roissy) et le porte-avions nucléaire Charles-de-Gaulle. À l’étranger, au Caire par exemple, on trouve la rue Charles-de-Gaulle, adjacente à la rue Georges-Pompidou.

Quelques années après la mort de De Gaulle, beaucoup des hommes qui l’avaient critiqué de son vivant commencèrent à se réclamer de lui. Lors du 25e anniversaire de son décès, en 1995, un sondage publié par Le Monde établissait que 80 % des Français jugeaient positivement l’action du Général. Une émission de France 2 le proclama élu par les téléspectateurs "le plus grand Français de tous les temps" (2006). Une partie des centristes, de la gauche voire de l’extrême-gauche, à l’image de Régis Debray, déclare aujourd’hui trouver en lui un inspirateur. Tout cela a permis à beaucoup de rappeler une phrase célèbre d’André Malraux : « tout le monde a été, est ou sera gaulliste ».

Charles de Gaulle est probablement le Français le plus connu au monde avec Napoléon. Des statues lui ont été érigées aussi bien à Québec ou Londres qu’à Varsovie ou Moscou. La Chine communiste lui garde une forte reconnaissance publique pour l’avoir reconnue diplomatiquement en 1964. Israël ressentit d’autant plus durement ses déclarations fracassantes de 1967 que le culte populaire qui y était voué à l’homme du 18 Juin ne pouvait se comparer jusque-là, comme le rappelle Éric Roussel, qu’à celui du "père de la nation" David Ben Gourion. Le monde arabe se souvient de ses critiques contre l’occupation de Gaza et de la Cisjordanie, et un Ben Bella rendit hommage à de Gaulle comme au plus valeureux adversaire du FLN, "celui qui nous porta les plus rudes coups", mais qui finit par accepter l’indépendance algérienne. [1]. À ceux qui lui reprochaient d’être resté un client de la France gaullienne, Léopold Senghor répliquait que peu de chefs d’État occidentaux pouvaient se vanter d’avoir risqué personnellement leur vie pour conduire une colonie à l’indépendance. Il n’est jusqu’au maître de Cuba Fidel Castro qui ne déclara devant les caméras avoir trouvé un modèle en de Gaulle à la lecture de ses Mémoires de guerre. L’Amérique latine ou le Viet-Nam apprécient encore le pourfendeur de la domination américaine, le Québec le contempteur de la prédominance anglophone. Seuls les États-Unis gardent un souvenir plus mêlé d’un homme qui fut leur allié, mais qui se mit aussi souvent au travers de leur chemin, et qui leur sembla symboliser les travers nationalistes et les prétentions excessives d’un pays devenu une puissance de deuxième ordre.

Legs historique

Les années que Jean Fourastié a nommées les Trente glorieuses (1945-1975) ont laissé aux Français le souvenir d’une époque, sinon heureuse (deux guerres coloniales), au moins de croissance et de prospérité. « Nous ne sommes pas les plus riches, nous ne sommes pas les plus puissants, mais je vous garantis que nous sommes parmi les plus heureux », affirma Georges Pompidou lors de vœux usuels de nouvel an aux Français. Or la fin de cette période heureuse se trouve correspondre à peu près à celle de de Gaulle : difficile dans ces conditions de séparer objectivement ce qui est dû à l’homme et à son dauphin désigné de ce qui est dû à l’économie, d’autant que les deux n’étaient pas exempts d’imbrication.

Le premier président de la Ve République apparaît en revanche aujourd’hui comme un des derniers grands fabricants d’histoire, qui a comme on le voit plus haut su souvent mener les événements au lieu de se laisser mener par eux. Son vocabulaire non conventionnel pour un homme politique de l’époque et de cet âge (culbute, chienlit), son humour (« Croit-on que je vais commencer, à soixante-sept ans, une carrière de dictateur ? »), son sens de la répartie (au cours d’une conférence de presse, il répondit à un journaliste dont la question était simplement « Comment allez-vous ? » : « Je vais bien, mais rassurez-vous, je ne manquerai pas de mourir »), son mépris affiché des partis politiques, sa défiance envers une droite qui ne l’aimait pas et le lui fit voir en 1969, comme envers une gauche qui n’avait jamais vraiment soutenu le projet de participation (des salariés aux bénéfices de leur entreprise) qui lui était cher, tout cela a conduit nombre de Français à ressentir pour lui, fût-ce tardivement, le même genre de sympathie qu’envers Jean Yanne ou Coluche. De Gaulle, c’était, dans un esprit très « Astérix » : « Le petit qui n’a pas peur des gros ». On ne s’étonnera pas de sa déclaration que son livre préféré était Cyrano de Bergerac. Et il fit un jour cette remarque ironique : « Au fond, je n’ai qu’un seul rival international : c’est Tintin. ».

Anecdotes

* Le départ des troupes de l’OTAN eut une conséquence pour les adolescents des années 1960 : La disparition sur la bande FM de toute la musique rock qui était destinée aux familles (résidant en France) des soldats de l’OTAN. Le silence sur la bande FM ne se desserra un peu qu’en 1968 avec TSF 68 (l’ancêtre de France Inter Paris). Il y avait quatre stations sur toute la bande FM. * Le général de Gaulle reçut un jour à Colombey le directeur du journal Ouest France, et alors qu’ils se promenaient dans le parc, le général dit : " -vous voyez cette colline, là bas ; eh bien quand je serai mort, ils érigeront une grande croix de Lorraine, on la verra de loin... elle incitera les lapins à la résistance" Curieusement, le directeur d’Ouest France après la mort du Général, oublia une partie de la citation ! Ce qui entraîna l’érection du monument que l’on connaît ! * Un soir où le Général assistait à une représentation théâtrale de la Comédie-Française, Il se retrouva pendant l’entracte avec André Malraux aux toilettes. Ils étaient l’un à côté de l’autre aux urinoirs et Malraux dit -" Belle pièce hein Mon Général ? " et de Gaulle avec son humour décapant : -"Malraux, regardez devant vous !" * Au Brésil, il est dit que de Gaulle aurait affirmé que "Le Brésil, ce n’est pas un pays sérieux !". Ce n’est probablement pas vrai, mais c’est quand-même devenu un de ces "faits incontestables" de la tradition orale et journalistique brésilienne.

Polémiques

* Sur le racisme et l’antisémitisme du Général o En opposition à son image de grand-homme, de Gaulle a été accusé de faire preuve de racisme et d’antisémitisme.[réf. nécessaire] Ces accusations reposent sur un indéniable corpus de citations, qu’il faut cependant discuter et contextualiser, de Gaulle souscrivant en cela à certains préjugés de son époque.

* o « Encore un juif..., soupire t-il, quand on lui annonce Georges Boris, ancien secrétaire de Loewenstein et ex-directeur de la "Lumière », conseiller financier. (Cité par J.R. Tournoux, Pétain et de Gaulle. Éditions Plon, 1964)

* o « Je n’aime pas les youpins ». (Cité par André Le Troquer, La parole à Le Troquer, Éditions La Table Ronde, 1962)

* o « C’est très bien qu’il y ait des Français jaunes, des Français noirs, des Français bruns. Ils montrent que la France est ouverte à toutes les races et qu’elle a une vocation universelle. Mais à condition qu’ils restent une petite minorité. Sinon la France ne serait plus la France. Nous sommes quand même avant tout un peuple européen de race blanche, de culture grecque et latine, et de religion chrétienne ... Vous croyez que le corps français peut absorber dix millions de musulmans, qui demain seront peut-être vingt millions et après-demain quarante ? Si nous faisions l’intégration, si tous les Arabes et les Berbères d’Algérie étaient considérés comme Français, comment les empêcherait-on de venir s’installer en métropole alors que le niveau de vie y est tellement plus élevé ? Mon village ne s’appellerait plus Colombey-les-Deux-Églises, mais Colombey-les-Deux-Mosquées ! ». (Charles de Gaulle, rapporté par Alain Peyrefitte).

* o « L’intégration, c’est une entourloupe pour permettre que les musulmans qui sont majoritaires en Algérie à dix contre un, se retrouvent minoritaires dans la République française à un contre cinq. C’est un tour de passe-passe puéril ! On s’imagine qu’on pourra prendre les Algériens avec cet attrape-couillons ? Avez-vous songé que les Arabes se multiplieront par cinq, puis par dix, pendant que la population française restera presque stationnaire ? Il Y aurait deux cents, puis quatre cents députés arabes à Paris ? Vous voyez un président arabe à l’Élysée ? » (Charles de Gaulle, rapporté par Alain Peyrefitte).

* o « Et puis, Delbecque, vous nous voyez mélangés avec des Musulmans ? Ce sont des gens différents de nous. Vous nous voyez mariant nos filles avec des Arabes ? » (Cité par J.R. Tournoux, La tragédie du Général, Éditions Plon, 1967).

* o « Sur le plan ethnique, il convient de limiter l’afflux des Méditerranéens et des Orientaux, qui ont depuis un demi-siècle profondément modifié les compositions de la population française. Sans aller jusqu’à utiliser, comme aux États-Unis, le système rigide des quotas, il est souhaitable que la priorité soit accordée aux naturalisations nordiques (Belges, Luxembourgeois, Suisses, Hollandais, Danois, Anglais, Allemands, etc.) » (Général de Gaulle, rapporté par Alain Peyrefitte).

* o « Essayez d’intégrer de l’huile et du vinaigre. Agitez la bouteille. Au bout d’un moment, ils se sépareront de nouveau. Les Arabes sont les Arabes, les Français sont les Français. Vous croyez que le corps français peut absorber dix millions de musulmans qui demain seront vingt millions et après-demain quarante ? » (Cité par A. Peyrefitte. C’était de Gaulle. Éditions Gallimard, 2000. Propos tenus le 5 mars 1959).

* o « Voulez-vous être bougnoulisés ? Voyons, Dronne ! Donneriez-vous votre fille à marier à un bougnoule ? » (Au député UNR Dronne, ancien héros de la libération de Paris, cité dans Le petit de Gaulle illustré. Éditions Le Crapouillot, 1967, et par J.R. Tournoux, La tragédie du Général, Éd. Plon, 1967)

* o « Qu’est-ce que les Arabes ? Les Arabes sont un peuple qui, depuis les jours de Mahomet, n’ont jamais réussi à constituer un État... Avez-vous vu une digue construite par les Arabes ? Nulle part. Cela n’existe pas. Les Arabes disent qu’ils ont inventé l’algèbre et construit d’énormes mosquées. Mais ce fut entièrement l’œuvre des esclaves chrétiens qu’ils avaient capturés... Ce ne furent pas les Arabes eux-mêmes... Ils ne peuvent rien faire seuls. » (Cité par Cyrus Sulzberger, Les derniers des géants, Éditions Albin Michel, 1972)

* o « Vous savez, cela suffit comme cela avec vos nègres. Vous me gagnez à la main, alors on ne voit plus qu’eux : il y a des nègres à l’Élysée tous les jours, vous me les faites recevoir, vous me les faites inviter à déjeuner. Je suis entouré de nègres, ici. [...] Et puis tout cela n’a aucune espèce d’intérêt ! Foutez-moi la paix avec vos nègres ; je ne veux plus en voir d’ici deux mois, vous entendez ? Plus une audience avant deux mois. Ce n’est pas tellement en raison du temps que cela me prend, bien que ce soit déjà fort ennuyeux, mais cela fait très mauvais effet à l’extérieur : on ne voit que des nègres, tous les jours, à l’Élysée. Et puis je vous assure que c’est sans intérêt. » (Entretiens avec Jacques Foccart, 8 novembre 1968. cité dans ses Mémoires, tome 2. Le Général en mai. Journal de l’Élysée. 1968-1969, Éditions Fayard]] et Jeune Afrique)

Spontanément peu porté aux effusions et aux remerciements (ce qui ne l’empêchera pas de se plaindre en 1946 puis 1969 de l’ingratitude des Français), Charles de Gaulle manifesta à maintes occasions, y compris parfois envers son entourage le plus fidèle, une sécheresse verbale et une incapacité apparente à l’amabilité, à la compréhension ou à la reconnaissance, qui paraissent parfois à la limite de la brutalité injuste, voire de la cruauté.

En septembre 1944, il fait rectifier le garde-à-vous des résistants FFI à Toulouse, leur fait remettre le doigt réglementaire sur la couture du pantalon, et raille leurs galons fraîchement cousus à la veste, en leur posant pour seule question le grade occupé en 1940[9].

Jean Cavaillès, qui admirait beaucoup le Général et fut heureux de le rencontrer à Londres, eût dit de lui, dans une lettre à sa sœur Gabrielle Ferrières : « Il n’est pas humain. »

Avant la guerre, De Gaulle échoua à faire convaincre la classe politique de ses théories novatrices en matière militaire[10]. Ce fut l’ennemi qui les appliqua, sous le nom de Blitzkrieg (« guerre-éclair », fondée sur l’utilisation de chars rapides protégés par une couverture aérienne).

C’est sous son gouvernement que se produisit, du 8 au 13 mai 1945, la répression sanglante des émeutes de Sétif, en Algérie, qui fit de 8 000 à 13 000 morts selon les historiens. Aucune preuve de l’implication personnelle du général de Gaulle n’a jamais été découverte à cette heure, mais il aurait donné carte blanche aux autorités, le 12 juin, pour poursuivre une sévère répression[11]. En tout cas, dans ses Mémoires de Guerre (1955), le général éluda la question en ne consacrant à Sétif qu’une demi-phrase.

La décolonisation fut ambiguë. Jacques Foccart fut chargé de récupérer officieusement ce que l’on abandonnait officiellement. C’est ainsi que se renforcèrent les « réseaux Foccart » qui ont été ensuite dénoncés par les pourfendeurs de la Françafrique. Le 3 février 1965, alors que le président gabonais Léon Mba est rongé par un cancer, Charles de Gaulle et Jacques Foccart discutent tranquillement du nom de son successeur :

Charles de Gaulle : « Alors, que va-t-on faire ? » Jacques Foccart : « Le Gabon est un pays où personne n’émerge. On parle bien du président de l’Assemblée, mais il est d’une ethnie qui ne compte que quelques milliers de membres. » C.D.G : « Quelle est l’ethnie de Léon Mba ? » J.F : « C’est un Fang. Bongo, son directeur de cabinet, est un jeune autoritaire, qui sait ce qu’il veut, qui aurait de la fermeté, mais pas la capacité de gouverner. » C.D.G : « On va finir par être obligés d’appeler Aubame. Où est-il Aubame ? En prison ? » J.F : « Oui, mais de toute façon, on ne peut pas envisager cela. Aubame n’oubliera pas que nous avons prêté main-forte à Léon Mba pour l’arrêter ; il nous serait systématiquement hostile. De plus, il avait partie liée avec les Américains, qui portent un intérêt considérable au Gabon du fait des mines de fer de Mekambo, et qui lorgnent aussi sur les gisements d’uranium et de manganèse. » C.D.G : « En définitive, il reste qui ? » J.F : « Il reste Yembit, le vice-président, mais c’est un personnage sans relief. Je vais étudier la question et je vous ferai des propositions. »[12]

Si une majorité de Français changea d’opinion sur la question de l’« Algérie française » entre 1954 et 1962, certains autres ne pardonnèrent cependant pas à de Gaulle de s’être rallié à l’« Algérie algérienne » alors qu’il avait prononcé le 7 juin 1958, à Mostaganem, le fameux slogan « Vive l’Algérie française ! ». De ce fait, de Gaulle n’a guère été aimé de la plupart des Français originaires d’Algérie.

Une grande partie des Harkis ne fut pas transportée en France, et parmi ceux-là, beaucoup furent enlevés et massacrés par le FLN. Ceux qui avaient été transférés en métropole furent hébergés dans des camps de regroupement et livrés à eux-mêmes. Le ministre Louis Joxe s’opposa à l’asile en France de certains, après pourtant que leurs chefs les eussent fait désarmer conformément aux accords de cessez-le-feu.

En dépit des mesures sans précédent (logements, emplois, aides financières) mises en œuvre pour réinsérer avec succès un million de « Pieds-Noirs » rapatriés en métropole, un grand nombre de ceux-ci ne pardonnèrent jamais à De Gaulle la perte de statut résultant de cet abandon, puisqu’ils avaient dû partir en laissant tout en Algérie.

Les Atlantistes jugent que son rapprochement avec les pays de l’Est de 1966 est remis en question par certains historiens, qui y voient une instrumentalisation de sa politique par les Soviétiques, instrumentalisation servant leur vision de la Guerre froide et desservant celle des États-Unis.

De Gaulle décréta, en 1967, un embargo contre Israël parce qu’il avait déclenché une guerre préventive (dite « guerre des Six Jours ») contre l’Égypte et ses alliés. Israël estimait son action justifiée par une déclaration officielle du président Nasser annonçant sa destruction imminente, au congédiement unilatéral des Casques bleus séparant les deux pays, et au blocus du détroit de Tiran, déclenché par le feu de l’artillerie égyptienne. Une riposte médiatique cherchant à discréditer systématiquement la France s’ensuivit, qui durera plusieurs décennies et dont le début apparut très nettement à cette date[13].

De Gaulle ne prit jamais au sérieux le besoin d’un réseau téléphonique performant en France. Il le voyait comme « la poste du riche » (c’est aujourd’hui devenu, les coûts s’étant croisés, « la poste du pauvre »). C’est Valéry Giscard d’Estaing qui a fait installer pendant son seul septennat « plus de téléphones que la France n’en avait installé depuis 1900 », ce qui assura alors la prospérité de la société Alcatel. Il y a aussi la vétusté (relative) des routes et le lent démarrage du réseau autoroutier, surtout par rapport aux autres pays d’Europe. On peut signaler le peu de réformes et de modernisation en profondeur des structures de l’État (ex de l’enseignement).

Le supersonique franco-britannique Concorde fut un échec commercial à cause du boycott américain, puis de l’interdiction de l’avion sur le territoire des États-Unis, et enfin des chocs pétroliers de 1973 et 1979. Le projet Concorde avait bénéficié d’une priorité de réalisation par rapport au projet Airbus.

L’abondance des scandales impliquant des gaullistes, et a fortiori leur étouffement systématique par le ministère de la Justice, a suscité de nombreuses critiques. Ainsi, en 1961, le scandale du Comptoir national du logement (CNL), qui impliquait, selon Le Canard enchaîné, un membre du gouvernement et, en tout état de cause, un député gaulliste de Paris (dont la campagne a été financée par le CNL) ne donna lieu à aucune suite politique. Quelques années plus tard, le chef de la section financière du parquet de Paris, Jean Cosson, découvrit un circuit de financement occulte du parti gaulliste par des détournements de fonds d’entreprises publiques. Il s’obstina malgré les pressions de la chancellerie, mais il fut muté en 1968. Sa carrière est restée interrompue jusqu’en 1974. Enfin, le Journal de Jacques Foccart indique que Charles de Gaulle distribuait lui-même les fonds secrets pour des usages peu orthodoxes, comme le financement des campagnes électorales gaullistes.

Son dernier référendum, pour lequel il commit l’erreur de poser deux questions en même temps - accord sur la régionalisation et réforme du Sénat, fut un échec, car, s’il espérait profiter de l’impulsion de mai 1968 pour généraliser son initiative de participation des salariés aux bénéfices des entreprises, il fut trahi par une partie de la droite et du centre, qui lui refusa son soutien. Il n’obtint pas la majorité qu’il escomptait et abandonna immédiatement le pouvoir, tenant sa promesse de la campagne précédant le scrutin.

sources wikipedia