FICHER / FOUTRE LE CAMP

28/05/2012 20:53

[ SIGNIFICATION ]
S'en aller, partir (généralement avec précipitation)

[ ORIGINE ] 
Si cette expression est incontestablement une version vulgaire et avec une notion d'urgence de "lever le camp", les lexicographes se déchirent quant à son origine, puisque nous avons justement deux camps face à face, avec à ma droite Alain Rey qui dit que 'ficher' n'a pas de lien avec le sens qu'on lui connaît de 'planter' et, à ma gauche, Claude Duneton qui affirme le contraire.

Une chose semble sûre, en l'état actuel de la littérature : c'est ficher le camp qui est apparu en premier au milieu du XVIIIe siècle.
Le 'foutre' équivalent vulgaire de 'ficher' n'arrivant sur les lèvres que quelques années plus tard, vers la fin du même siècle.

Alain Rey, donc, nous dit que 'ficher' et 'foutre' sont souvent associés au verbe 'prendre' (par exemple, on prend une raclée quand quelqu'un nous en fout une).
Or, au XIXe siècle, l'expression "prendre son camp" voulait dire "ramasser son matériel" ou "plier sa tente", significations qui sont incluses dans "lever le camp". Et on serait donc facilement passé de "prendre son camp" à ficher le camp via "lever le camp".
Mais la chronologie de la chose laisse un doute, l'expression "prendre son camp" avec le sens indiqué n'existant apparemment pas au XVIIIe siècle contrairement à ficher le camp.

Et c'est là qu'à ma gauche, surgit Claude Duneton, qui nous dit : "Mais vous n'y êtes pas, mon bon !".
Car il est clair qu'au XVIIe siècle 'ficher' et 'planter' peuvent s'utiliser indifféremment avec le même sens. En effet, si ficher un drapeau dans le sol, c'est aussi l'y planter, on note que Furetière en 1690 écrit : « Ficher se dit quelquefois, mais bassement, en parlant des personnes qui sont debout et immobiles. »
Or, ne dit-on pas aussi d'une personne immobile qu'elle est plantée (par allusion, bien sûr, aux plantes, forcément immobiles) et, toujours au figuré, ne dit-on pas, comme l'a écrit Jean-Jacques Rousseau, qu'on a planté là une personne qu'on a abandonnée.
Alors si on admet que, dans l'urgence, on abandonnait carrément le campement pour déguerpir, on pouvait indifféremment dire "on le plante" ou "on le fiche".