UN BARRAGE

02/05/2012 21:06

 

GENERALITES

La principale raison qui conduit à réaliser des barrages est le stockage d'un grand volume d'eau pour qu'il soit disponible en cas de besoin. Un barrage donne à l'homme un réservoir d'eau.

Ce stockage est beaucoup plus économique qu'avec d'autres types de réservoirs. Le volume de ce réservoir est appelé la capacité.

La capacité et les conditions d'utilisation du réservoir font la justification du barrage.

La capacité du réservoir est susceptible d'être employée pour :

  • l'irrigation des terres cultivées,
  • l'alimentation en eau potable des collectivités humaines,
  • la réduction des débits maximaux des crues,
  • le stockage de l'eau pour la production d'énergie dans une chute équipée d'une usine électrique,
  • la dérivation de l'eau dans un canal,
  • l'utilisation touristique et sportive d'un plan d'eau,
  • l'élevage des poissons,
  • lutte contre les incendies,
  • création de polders,
  • protection des estuaires contre les remontées d'eau de mer,
  • la récupération des matériaux entraînés par le cours d'eau.

Un barrage est souvent construit pour assurer plusieurs des finalités énumérées ci-dessus.

Si d'une manière générale, le développement de nouveaux barrages en France, comme en Europe, sauf en Espagne, s'est sensiblement ralenti depuis une dizaine d'années, il n'en est pas de même dans le reste du monde et plus particulièrement dans les pays en voie de développement.

 

L'IRRIGATION DES CULTURES

Face au développement de la population mondiale dont la croissance n'a guère commencé à se réduire, le problème essentiel est de produire, les années sèches, des quantités croissantes de nourriture et donc de développer les surfaces irriguées : pendant la saison sèche avec de l'eau stockée en saison humide, pendant les années sèches avec de l'eau stockée les années humides.

L'importance du problème est certes très variable d'une région à l'autre. Il n'existe pratiquement pas en Autriche, en Suisse, en Suède, ou en Savoie. Par contre dans certains bassins versants, on est déjà conduit à utiliser, donc à stocker, la quasi totalité de l'eau de surface s'écoulant normalement vers la mer. Il en est ainsi dans les régions en voie de développement où vivent 70% de la population mondiale et où sont constatés les plus forts taux de natalité.

Dans ces pays, la croissance de la production vivrière passe inévitablement par l'irrigation, irrigation parfois partielle et complémentaire pendant les périodes les plus sèches, ou irrigation totale dans les zones quasi désertiques transformées aujourd'hui en zones vertes.

Aujourd'hui, l'irrigation concerne environ 270 millions d'hectares, soit un cinquième de la surface cultivée totale, avec un rendement qui est à peu près le double de celui des terres non irriguées, mais surtout un rendement à peu près constant d'une année à l'autre.



Barrage de Serre-Ponçon

Les deux tiers de la consommation mondiale d'eau sont utilisés à l'irrigation (il s'agit de l'eau artificiellement contrôlée par l'homme car il faut autant d'eau pour produire 1 kilo de vivre en une terre non irriguée que sur une terre irriguée, mais dans le premier cas, seule l'eau du ciel y pourvoit). En fait il faut beaucoup plus d'eau pour faire croître les aliments dont l'homme a besoin (cultures vivrières ou élevage d'animaux) que pour assurer son alimentation en eau.

On peut s'efforcer d'améliorer les conditions d'utilisation de l'eau destinée à l'irrigation, mais les progrès en la matière ne peuvent être que lents, trop lents pour faire face à la rapidité de l'accroissement des besoins de la population. La seule autre façon de satisfaire les besoins passe par la construction de barrages supplémentaires, au moins dans certaines parties du monde.

En France, les barrages de Sainte-Croix et de Serre-Ponçon autorisent l'irrigation de 80 000 hectares. Les barrages du Sud-ouest sont très appréciés pour irriguer le croissant fertile du pays .

 

L'ALIMENTATION EN EAU DES VILLES

Air et eau sont nécessaires à la vie, mais, sans eau, ils ne permettent que des déserts inhabitables. Sans eau un homme meurt en 3 jours, et l'on met souvent en avant les besoins correspondants lorsqu'il s'agit par exemple de secourir une population victime d'une grande catastrophe naturelle.



Barrage de SAINTE-CROIX

Les villes industrielles et les villes du Sud de la France en bénéficient largement. Dès 1866, Saint-Etienne a été alimenté par le barrage du Furens. Les barrages sur le Verdon (CASTILLON, CHAUDANNE, SAINTE-CROIX, QUINSON et GREOUX) alimentent Marseille.

 

LA PRODUCTION D'ELECTRICITE

L'eau a été de tout temps une énergie très appréciée (voir le chapitre un peu d'histoire). L'énergie hydroélectrique avec une production de 2100 TWh, représente actuellement 20% de la production électrique totale et 7% environ de toute l'énergie consommée dans le monde. Dans les pays en voie de développement c'est souvent la seule ressource disponible localement.

Aristide Bergès (1833-1904) a créé en France une des premières chutes d'eau de grande hauteur (200 m) pour alimenter une turbine en 1869. Son invention a si rapidement attiré les industries métallurgiques et chimiques qu'il l'a qualifiée de Houille Blanche pour symboliser son impact énergétique et son origine celle d'un lac alpin.

La production constante d'électricité exige un débit qui ne soit pas variable comme celui des fleuves et qui soit disponible au moment voulu. La création des barrages a résolu ces deux problèmes. L'eau accumulée dans le réservoir est dérivée dans des conduites qui l'amènent à l'usine. Elle actionne une turbine qui entraîne un alternateur qui produit l'énergie électrique.



Principe de fonctionnement d'une centrale hydraulique

Après la seconde guerre mondiale, la France avait cruellement besoin d'énergie. Un grand programme d'équipement hydroélectrique a été lancé. Le barrage de GENISSIAT a été construit en 1948 pour éviter les coupures d'électricité à Paris. Les barrages de TIGNES, DONZERE-MONDRAGON et SERRE-PONCON datent de cette époque.



Barrage deTignes

LA NAVIGATION

Une voie d'eau est un moyen de transport particulièrement économe en dépense énergétique. Nos ancêtres le savaient bien. Un cheval qui tirait péniblement 500kg sur un mauvais chemin, déplaçait 50 tonnes sur une barque sur un canal. Ceci explique l'existence d'une navigation dans le passé sur des rivières sur lesquelles on n'imagine pas que cela ait pu être possible.

Sur une rivière canalisée, les barrages servent à établir un plan d'eau sensiblement horizontal et une profondeur d'eau minimale.

Dans le cas d'un canal latéral, le barrage en rivière servira à détourner une partie du débit du cours d'eau pour alimenter la canal.

Dans les deux cas précédents, les barrages en rivières sont des barrages mobiles.

Enfin dans le cas d'un canal à bief de partage, le barrage est un ouvrage de stockage pour alimenter un canal, dans lequel on ne peut guère dériver que des cours d'eau à débit faible et aléatoire, car on se trouve en haut de bassin versant. On stocke les eaux de la saison des pluies pour alimenter le canal pendant la saison sèche.


Le Grand canal d'Alsace : 
l'écluse et l'usine de Fessenheim

LA REGULATION DES COURS D'EAU

Pour éviter des inondations en aval, il faut écrêter les crues des rivières en retenant le maximum d'eau nécessaire. Le barrage emmagasine la partie des eaux la plus dommageable au moment des crues, pour la restituer à une période plus favorable. Il en existe plus d'une quinzaine en France.

Le barrage de SERRE-PONÇON, a été souhaité par la population du XIXème siècle pour régulariser la Durance dont les crues redoutées charriaient des flots de boue, emportaient les rives et parfois les habitations des riverains.

Le barrage de VILLEREST permet de ramener le débit maximal d'une crue de 4 000 m3/s à 2 000 m3/s. En période de sécheresse, ces barrages servent aussi de soutien d'étiage. Le barrage SEINE en Aube peut contenir ainsi 205 millions de m3. Le barrage MARNE en Haute-marne peut retenir 350 millions de m3.

LE STOCKAGE DE REJETS DE MINE

Les rejets de mine sont évacués par pompage sous forme boueuse. Ils ne sont entreposés que dans des réservoirs où ils peuvent décanter. Le barrage est alors nécessaire pour en limiter l'emprise et la pollution.

Près du chantier du tunnel sous la Manche, l'évacuation de 3 millions de m3 de craies, sous forme de boues, a nécessité la réalisation d'une digue en craie, à FOND-PIGNON dans une vallée sèche, pour créer un réservoir où les entreposer.

 

LE TOURISME ET LES LOISIRS

Les barrages sont des lieux d'agrément appréciés par les vacanciers et les véliplanchistes. De nombreuses régions en France ont ainsi profité du développement d'une activité touristique grâce à l'aménagement de ces plans d'eau : MONTEYNARD, VASSIVIERE et SERRE-PONÇ‚ON sont des lacs très appréciés.

 

LES BESOINS AU FIL DES SIECLES

 

Depuis l'antiquité

Les barrages comptent parmi les plus anciennes constructions humaines. A toutes époques l'eau a été un des éléments les plus précieux et dans de nombreux pays défavorisés par l'irrégularité des pluies, l'accumulation des eaux pour l'irrigation a été une impérieuse nécessité.

Au XIX siècle

Avec la sédentarisation des peuples et l'urbanisation toujours plus concentrée, les problèmes d'alimentation en eau des agglomérations sont devenus plus importants et la création des réservoirs au moyen de barrages a apporté une solution à ces problèmes.

La révolution industrielle exigeant des moyens de transport peu coûteux a favorisé la création de canaux, ou la régularisation des cours d'eau. Dans le premier cas, l'alimentation des points hauts a été obtenue à partir de réservoirs judicieusement placés, réalisés au moyen de barrages. Les biefs eux-mêmes étaient créés par des retenues successives dont de petits barrages étaient l'élément essentiel. Pour la régularisation des cours d'eau et leur adaptation à la navigation, des barrages ont été nécessaires.

DATES

NOMBRE
DE BARRAGES

ENERGIE

IRRIGATION

TRANSPORT

EAU POTABLE

CONTRÔLE
DES CRUES

Avant 1820

5 4 3 3 - -

1820/1849

8 1 1 7 1 -

1850/1869

9 7 4 3 6 1

1870/1879

3 1 1 0 2 2

1880/1899

15 12 4 6 6 -

1900/1919

30 20 3 5 10 -

TOTAL

70 45 16 24 25 3

Tableau 1: Evolution et répartition du nombre de grands barrages
en France au XIX siècle en fonction de leur usage

Au XX siècle

C'est la production d'énergie hydroélectrique qui a donné à la construction de tels ouvrages l'élan nécessaire à une multiplication quasi explosive de leur nombre depuis près d'un siècle.

Cette évolution est montrée par le tableau ci-après qui donne, d'après le Registre Mondial des Grands Barrages édité par la Commission Internationale des Grands Barrages, le nombre des ouvrages de plus de 15 mètres de hauteur actuellement existants et construits à diverses époques dans les pays membres de la C.I.G.B. (Chine exclue*) : 

DATES NOMBRE
DE BARRAGES
Avant 1800 450
De 1800 à 1849 117
De 1850 à 1899 527
De 1900 à 1949 3.583
De 1950 à 1999 17.000


Tableau 2 : Evolution de la construction 
dans le monde depuis 1800

Et maintenant ?

Enfin si l'art de la construction des barrages s'est répandu très largement à travers le monde, la production d'énergie ne donnera plus lieu à la construction d'autant de barrages que par le passé dans notre pays. Mais il n'en est pas de même et de très loin dans les autres pays du monde. Chez nous, de nouveaux ouvrages sont construits pour l'irrigation, l'alimentation en eau des villes, la protection contre les crues, la navigation, qui étaient les rôles traditionnels des barrages avant l'avènement de l'énergie hydraulique, mais aussi pour les utilisations nouvelles, telles que l'aquaculture ou les loisirs.