ARDENNES 08

25/11/2012 07:43

La forêt des Ardennes, qui a donné son nom à ce département et qui en occupait la plus grande partie, s’étendait, au temps de César, jusqu’aux bords du Rhin. C’était, dit-il, la plus grande de toute la Gaule. Au XVIe siècle, selon un géographe du temps, elle avait encore plus de cent lieues de longueur. Au sud, elle s’étendait jusque dans le voisinage de Lutèce par les forêts de Compiègne et de Senlis, qui en étaient des embranchements. « Pendant bien des siècles, dit M. de Courton, cette immense forêt, dont la sombre majesté frappait si vivement les imaginations au moyen âge, n’eut pas de rivale en France. »

Son souvenir se rattache à la plupart des aventures racontées par les poètes et les romanciers. La contrée sur laquelle elle s’étend était encore, au VIe siècle et même au VIIe, plongée dans les ténèbres du paganisme. Saint Hubert et sainte Bérégise avaient les premiers implanté la foi chrétienne dans ce pays. Saint Rémacle, évêque de Maëstricht, y avait plus tard retrouvé en pleine vigueur dans certains cantons toutes les croyances anciennes : culte des pierres, des arbres, des fontaines. « Saint Rémacle, saisi d’une douleur inexprimable, dit Hariger, son biographe, se hâta d’exorciser ces lieux infectés des erreurs de la gentilité, et il y fonda les deux abbayes de Stavelot et de Malmédy. Mais les dieux et les déesses païennes disparus, les fées, les sorciers et les magiciens vinrent aussitôt occuper la place. L’imagination populaire peupla d’êtres fantastiques cette impénétrable forêt d’Ardenne. Dans ses silencieuses profondeurs, les paysans croyaient entendre résonner parfois le cor d’un chasseur nocturne, de saint Hubert, qui continuait son ancien métier, et dont l’invisible épieu frappait à coup sûr les sangliers, les daims et les cerfs.

Fichier:Givet - Hôtel de ville.jpg

« On racontait, aux veillées des crédules habitants d’alentour, que, dans les clairières de la forêt, des esprits mystérieux venaient prendre leurs ébats au clair de lune au milieu des lions, des tigres et des léopards, bêtes inconnues dans nos climats, mais dont la férocité semblait s’accorder avec l’aspect sauvage de ces bois où régnaient les ténèbres et le silence. Dans le roman de Parthénopéus de Blois, l’Ardenne est représentée comme une forêt hideuse et enchantée, qui, dans sa plus grande étendue, n’avait jamais été foulée par les pieds de l’homme et dans laquelle les esgarés étaient exposés à être dévorés. Les tigres, les lions, les dragons, les léopards n’étaient pas les seuls hôtes effrayants dont on peuplât les solitudes de ce temps-là. Dans ces vastes solitudes, l’imagination poétique de nos ancêtres plaçait des personnages hideux et velus, espèces de sauvages préposés à la garde des châteaux mystérieux où habitaient lés. nécromanciens. »

La réputation fantastique de cette forêt est constatée par Pétrarque, qui, au XIVe siècle, la déclare « sombre et pleine d’horreur » et s’étonne de l’avoir pu traverser seul et en pleine guerre. Shakespeare y a placé plusieurs des scènes de sa comédie Comme il vous plaira, qui n’a rien de lugubre, il est vrai. Il paraît que de son temps la forêt des Ardennes commençait à acquérir une meilleure réputation. Ne la retrouvons-nous pas encore de nos jours, mystérieuse et terrible, dans cette chanson-légende qui berça notre enfance :

Tout au beau milieu des Ardennes
Est un château sur le haut d’un rocher,
Où fantômes sont par centaines,
...
Hélas ! ma bonne, hélas ! que j’ai grand’peur !!!

Si, laissant de côté la légende et la poésie, nous consultons l’histoire, nous là voyons, au temps des Césars, devenir le refuge des gens endettés et des fugitifs de toute sorte c’est Tacite qui nous l’apprend. Et, au XVe siècle, les sept forêts des Ardennes sont encore l’asile des bannis, des gens ruinés par la guerre, lesquels y mènent la vie des charbonniers et de temps en temps en sortent pour mendier on pour piller les villages voisins. Aujourd’hui encore, un quart environ du département est couvert de bois. « Tout ce pays est boisé, dit M. Michelet, comme pour marquer la défense et l’attaque aux approches de la Belgique, La grande forêt d’Ardenne, la profonde (ar duinn), s’étend de tous côtés, plus vaste qu’imposante. Vous rencontrez des villes, des bourgs, des pâturages ; vous vous croyez sorti des bois, mais ce ne sont là que des clairières. Ces bois recommencent toujours ; toujours les petits chênes, humble et monotone océan végétal dont vous apercevez de temps à autre, du sommet de quelque colline, les uniformes ondulations. La forêt était bien plus continue autrefois. »

On comprend qu’un tel pays fournisse plus d’éléments à la légende qu’à l’histoire ; aussi trouvera-t-on ici à l’histoire des villes le récit des faits principaux qui se sont passés sur le territoire de ce département. Il y a plus : ce département ne s’est pas formé, comme beaucoup d’autres, d’une position détachée d’une grande province ; une partie appartenait à la Champagne et a suivi les destinées de cette province ; d’autres, plus petites, appartiennent au Hainaut à la Picardie ; enfla le pays d’Ardenne proprement dit a une histoire à part, mais qui ne commence que dans les temps modernes à présenter quelque intérêt.

On trouve un comté d’Ardenne dans les premiers temps de notre histoire ; il faisait partie du royaume d’Austrasie. L’histoire du pays devient obscure ou se confond avec celle de la Champagne jusqu’au moment où le comté de Rethel et la principauté de Sedan commencent à jouer un rôle dans nos annales. Nous renvoyons le lecteur à l’histoire particulière de ces villes.

Mais, au commencement de la Révolution, le département des Ardennes devait jouer un rôle important dans la défense du pays. C’est sur une partie de son territoire que s’étend la forêt de l’Argonne, dont Dumouriez se hâta d’occuper les défilés. De Sedan, où était son état-major, il se rabattit sur cette forêt, que les Prussiens et les Autrichiens devaient nécessairement traverser pour marcher sur Paris. Cette forêt, par ses inégalités de terrain, le mélange des bois et des eaux, est tout à fait impénétrable à une armée, sauf par cinq défilés principaux, que le général français garnit de troupes. Lui-même, posté dans le plus important de ces passages, Grandpré, au sud du département, y attendu l’ennemi dans une position inexpugnable. « Grandpré et les Mettes, écrivait-il au pouvoir exécutif, sont les Thermopyles de la France ; mais je serai plus heureux que Léonidas. »

Le 11 septembre 1792, il fut attaqué dans ses positions. Mais nos volontaires, remplis d’ardeur, sautèrent au-dessus des retranchements qui les protégeaient et, se précipitant sur l’ennemi, l’obligèrent à se retirer. Cependant la surprise d’un des passages de l’Argonne, celui de La Croix-aux-Bois par les Autrichiens et les émigrés, repris par les Français, qui tuèrent aux ennemis un de leurs généraux, le prince de Ligne, obligea Dumouriez à renoncer à la défense de l’Argonne ; il fît donc retraite vers le sud, et à quelques jours, à quelques lieues de là, le 20 septembre 1792, Kellermann et lui livraient à l’ennemi le combat appelé la canonnade de Valmy qui arrêta l’invasion et força l’ennemi de se retirer. La nouvelle de ce premier succès arriva à Paris le 22 septembre, le jour même où la Convention nationale se réunissait et proclamait la République ; et elle fut peut-être pour quelque chose dans l’enthousiasme qui accueillit la nouvelle forme de gouvernement.

En 1815, le chef-lieu de ce patriotique département, qui avait fourni à la Révolution quelques-uns de ses plus vaillants défenseurs, Mézières, soutint après Waterloo un siège de quarante-deux jours et ne se rendit qu’aux généraux de Louis XVIII. Durant la guerre franco-allemande de 1870-1871, le département des Ardennes fut envahi et piétiné, pour ainsi dire, par les armées ennemies ; la plupart des villes furent occupées par les Allemands, notamment les localités suivantes : Grandpré, Buzancy, Vouziers, Attigny, Le Chêne-Populeux, Nouart, Beaumont, Mouzon, Carignan, Rethel, Raucourt, Bazeilles, Sedan, Floing, Mézières, etc.

C’est sur le sol du département des Ardennes que se dénoua le terrible drame ; c’est à Sedan et dans les environs que fut livrée la suprême bataille, le 2 septembre 1870. C’est là que s’effondra le second Empire. Les pertes qu’il eut à subir se sont élevées à la somme énorme de 40 633 755 francs.

 

Géographiquement, on ne compte pas une mais trois Ardennes : au Nord, le massif et la forêt, au Centre, les crêtes et les zones de culture et d’élevage, et au Sud, la craie et la plaine céréalière.

 

La Belgique au Nord, l’Aisne à l’Ouest, la Marne au Sud et la Meuse à l’Est bordent les Ardennes. Avec leur 5 246 km2, elles constituent le plus petit département de la Région Champagne-Ardenne dont elles font partie.
En raison de la nature du sol, terrains primaires au Nord et terrains secondaires au Centre et au Sud, ses paysages sont d’une extrême diversité.
Au Nord, le plateau ardennais est accidenté. A travers le massif schisteux, vestige de la chaîne hercynienne, la Meuse, fleuve tranquille et navigable, aux spectaculaires méandres, et la Semoy, rivière plus impétueuse, se frayent de force un passage. Nous sommes au pays des légendes. Sur le parcours des deux cours d’eau qui entaillent la roche, les sites remarquables sont nombreux. Les Quatre Fils Aymon, Les Dames de Meuse, la boucle de Monthermé, sont des curiosités. Quand elle n’est pas couverte par de vastes forêts, cette partie de l’Ardenne, où culmine la Croix Scaille (504 mètres), offre des espaces sauvages et des zones d’élevage.
Au Centre, on trouve les Crêtes préardennaises qui appartiennent au Bassin parisien et en forment une limite. Elles empiètent à l’Ouest sur la Thiérache et au Sud-Est sur l’Argonne. C’est une région vallonnée, aux sites moins grandioses sans doute que ceux de la Vallée de la Meuse, mais tout aussi beaux, doux, apaisés, à échelle humaine. Les paysages y sont verdoyants. On y pratique l’élevage et la culture.
Au Sud, le sol est crayeux. Finie la forêt. L’arbre y est rare. Place aux grandes cultures sur d’immenses étendues. C’est le début de la Champagne et sa grande plaine céréalière.

JAMAIS D’EXCES

S’agissant de leur climat, les Ardennes ne méritent pas la réputation que les médias ou le cinéma leur ont faite de pays glacé, humide et enneigé. La vérité est plus nuancée. Il y va du climat comme du relief : il est multiple.
Au Nord, sur le plateau, les hivers sont plus froids qu’en limite des Crêtes, en Argonne ou en Thiérache, et la pluviométrie est supérieure à celle qu’on observe dans le Centre du département.
Au Sud, en revanche, l’ensoleillement y est plus élevé qu’ailleurs et les températures sont tout à fait comparables à celles relevées dans la région parisienne. 
En été, globalement, il y fait doux partout. Rares sont les chaleurs excessives. Rares sont aussi les tornades ou les violents orages. Bref, le temps est agréable et propice aux activités de plein air dans une nature accueillante. 

HISTOIRE ET GEOGRAPHIE

La forme bizarre du département témoigne de l’assemblage de terres hétérogènes : au vieux noyau champenois du Royaume de France (et du diocèse de Reims) limité par la Meuse sont adjointes les terres de la principauté de Sedan, d’autres dépendant du Duché du Luxembourg (terre d’Ivois-Carignan) et de la Principauté de Liège et des Pays-Bas (pointe de Givet).

 

290 130 habitants

 

Les Ardennes comptaient au dernier recensement de 1999, 290.130 habitants. Dans la région, elles occupent la troisième place, après la Marne (565.229), l’Aube (292.131) et devant la Haute-Marne (194.873).

 

Les faits sont là : les Ardennes se dépeuplent, au rythme de plus de 600 personnes en moyenne par an depuis 30 ans. En 1968, elles comptaient 309.380 habitants. En 1999, elles en avaient 19.250 de moins.
A ce recul démographique, plusieurs explications sont avancées :

  • la crise économique, particulièrement sévère dans l’industrie, a eu pour effet de pousser hors du département de nombreux Ardennais soucieux de retrouver un moyen de subsister.
  • le phénomène général de migration vers le littoral où vivent de plus en plus de Français aujourd’hui, s’est accentué.
  • enfin, la tendance observée chez les seniors à partir vers des lieux de retraite plus ensoleillés, est devenue une réalité .

Pour tenter d’enrayer cette évolution fâcheuse, le Conseil général s’est lancé dans une bataille de longue haleine. Il s’est fixé l’objectif ambitieux du retour au-dessus de la barre des 300.000 !
Pour y parvenir, il compte poursuivre une politique forte de soutien à l’économie, investir pour compléter ou moderniser les infrastructures routières, contribuer à l’amélioration du cadre de vie des habitants, favoriser la création de formations nouvelles, etc...

La tâche sera d’autant plus rude qu’au solde migratoire déficitaire, s’ajoute un autre handicap, un taux de natalité en baisse.

55 HABITANTS AU KM²

La densité moyenne de la population ardennaise est de 55 habitants au km². Comparée à celle de la France qui est de 108 habitants au km², les Ardennes ont une densité démographique qui peut être qualifiée de faible. Elle est supérieure toutefois à celles de deux autres départements de la Région, la Haute-Marne (31) et l’Aube (49).
C’est tout au long de la Vallée de la Meuse, entre Mouzon et Givet, où se trouvent les plus importantes agglomérations et où se concentrent les activités industrielles, que se rassemble la majorité de la population ardennaise.
En revanche, les zones agricoles du Sud, qui ont subi ces dernières décennies le phénomène général de l’exode rural, sont dépeuplées. On observe également dans ces régions un taux de personnes âgées de plus de 75 ans plus élevé que dans le reste du département.
Un département qui a un atout, celui de posséder une population jeune puisque 32,6 % des habitants ont moins de 25 ans, contre 31,8% sur le territoire national.

Fichier:La Meuse à Sedan 1.jpg

Les Ardennais célèbres


RIMBAUD Arthur : Né le 20 octobre 1854 à Charleville, rue Thiers (nouvellement rebaptisée Bérégovoy). Poète. Son père : Frédéric Rimbaud était capitaine d’infanterie. Sa mère Vitalie Cuif, fille de propriétaires ruraux. Sans doute l’enfant du pays le plus célèbre. Elève brillant et rebelle au collège de Charleville, il se distingue par sa précocité. Il écrit des vers en latin et son premier poème "Les Etrennes des orphelins". A l’instar de sa vie, son oeuvre est brève et singulière. « Voyelles », « Le Bateau Ivre », « Une Saison en Enfer » ou « les Illuminations » figurent parmi ses poèmes ou ses textes les plus remarquables écrits alors qu’il n’a pas vingt ans. Arthur Rimbaud multiplie les fugues à Charleroi, où il est même emprisonné, Paris, Bruxelles, Londres. Sa liaison avec Paul Verlaine est tumultueuse. Une vie d’errances littéraires entretenue dans les bars et la misère. Mouvementée aussi est la partie de son existence passée hors d’Europe, à Chypre, en Ethiopie ou en Somalie où on lui attribue des ventes d’armes et même d’esclaves auprès du Roi Ménélik. Souffrant d’une tumeur cancéreuse de la jambe, Rimbaud est rapatrié en France. Son dernier voyage sera pour Roche, son village-refuge du sud des Ardennes où il aimait écrire près du lavoir, aujourd’hui réhabilité. Décédé à Marseille, à l’hôpital de la Conception, le 10 novembre 1891, il repose au cimetière de Charleville-Mézières. Des centaines de milliers d’ouvrages écrits en plus d’une double centaine de langues évoquent la vie de l’homme aux "semelles de vent", "l’alchimiste des mots", "le Voyant". "Je veux être poète" avait écrit Arthur Rimbaud à son professeur Georges Izambard. Il a pleinement exaucé son voeu. Un musée (Vieux-Moulin) lui est consacré à Charleville-Mézières où en 2004 a été fêté le 150 ème anniversaire de sa naissance. La maison qu’il a habitée en bordure de la Meuse a été rachetée par la ville de Charleville-Mézières et transformée en "Maison des Ailleurs" pour rendre hommage au plus génial des "piétons" de la littérature française.

HACHETTE Jean-Nicolas-Pierre : Né à Mézières en 1769. Mathématicien. Il est appelé à l’ouverture de l’Ecole Polytechnique par Monge pour occuper la chaire de géométrie descriptive. Membre de la commission scientifique lors de la campagne d’Egypte, il est nommé professeur à la Faculté des Sciences et à l’Ecole Normale Supérieure. En 1816, il perd sa chaire à Polytechnique. Louis-Philippe permettra son entrée à l’Institut que lui avait refusée Louis XVIII. Il décède à Paris en 1834.
 

HACHETTE Louis-Christophe-François : Né à Rethel en 1800. Libraire. Il est le fondateur de la célèbre maison Hachette. Son aventure commence en 1826, date à laquelle il acquiert le fonds de la librairie Brédif, lui donne son nom et la développe. Sous son impulsion d’abord, puis sous celle de ses gendres et fils ensuite, la librairie devient une puissante maison d’édition qui diffuse des ouvrages tant en France qu’à l’étranger. Il meurt en 1854.