HERMES

10/04/2012 20:53

 

 

Introduction

Est-ce qu’un sellier, même de luxe, pouvait avoir raisonnablement la moindre chance de survivre à l’arrivée de l’automobile ? Non, bien sûr… Ce fut pourtant le cas d’Hermès, un modèle proprement inimaginable de pérennité. Hermès n’a jamais enregistré dans son histoire le moindre affaiblissement de son image. La sellerie fondé au milieu du XIXe n’a jamais périclité, jamais perdu de son authenticité, jamais renoncé à son savoir-faire. Une réponse insolente à la modernité ? Non plus, Hermès est la modernité même. La maison aura su réveiller le désir, quelle que soit l’époque. Toujours détenu par le clan du fondateur, à la même adresse depuis près de cent trente ans (le mythique 24 depuis peu agrandi et rénové), toujours fidèle à l’univers du cheval, Hermès, cet autre dieu du commerce et du voyage, n’a jamais changé de message : luxe, volupté, tradition et adaptation, depuis plus d’un siècle et demi…


 

Hermès, le sens du patrimoine

Depuis 1837, lorsque Thierry Hermès fonda une manufacture de selles et harnais, jusqu’à la nomination en 2006 de Patrick Thomas, premier président extérieur à la dynastie Hermès, à la tête de ce carrosse d’or du luxe français, Hermès n’est jamais sorti de la famille. Six générations Hermès-Dumas ont œuvré à la conservation d’un patrimoine composé d’un lieu mythique, d’un savoir-faire exceptionnel et d’un sens de la modernité qui ne s’est jamais départi.
Thierry Hermès ouvre donc en 1837 une manufacture de harnais et de selles. À l’époque, Paris bruit du pas des chevaux dont les sabots cognent sur son pavé ; il s’agit donc d’une industrie d’actualité. Une première récompense, la médaille de 1re classe de l’Exposition universelle de 1867, distingue la maison Hermès et attire vers elle une clientèle des plus élitistes.


Hermès, nouveau dieu du luxe 

En 1878, le fils de Thierry, Charles-Émile Hermès prend sa succession. En 1900, Hermès fête le nouveau siècle par la création d’un ingénieux sac, dit « Sac haut à courroies », conçu pour les cavaliers qui peuvent y ranger leur selle et leurs bottes. C’est le sac « Kelly » avant l’heure, car il devra subir quelques miniaturisations et transformations avant de conquérir la princesse de Monaco et devenir un must have pour des générations de femmes du monde entier. Toutefois, et même dans sa première mouture, le « Sac haut à courroies » d’Hermès convaincra le gotha à cheval, qui fera amplement gonfler les carnets de commandes du 24, Faubourg-Saint-Honoré. On n’est pas dieu du voyage pour rien : le nom d’Hermès fait désormais rêver les cours européennes, mais aussi les princes de l’Annam, du Tonkin, du Siam, du Japon, comme les républicains d’Argentine, du Brésil, de l’Équateur, du Mexique ou du Chili… Si belle clientèle ne peut honorer que la plus belle des marques… Hermès rayonne alors sur tous les continents et tutoie tous les rois et puissants de ce monde.

En 1914, Adolphe Hermès et son frère cadet Émile-Maurice, petit-fils du fondateur, emploient de 70 à 80 ouvriers selliers mais surveillent avec lucidité les progrès de l’automobile, une concurrente qu’ils vont se dépêcher d’apprivoiser. En effet, Émile-Maurice Hermès découvre lors d’un séjour en Amérique les leviers de l’avenir : l’ère de la production de masse et des moyens de transport totalement nouveaux, qui vont sans aucun doute favoriser l’essor d’une industrie des bagages. Il en ramènera pas mal d’idées et une invention transatlantique, la fermeture à glissière dont il obtient l’exclusivité en France, et qu’il adapte bientôt à la maroquinerie et à la mode. Les malles sont désormais des bagages d’un autre âge et ceux qui savent travailler le cuir ont une carte à jouer.

Désormais seul aux commandes, Émile-Maurice Hermès va déployer la maroquinerie cousue sellier, qui s’envole sous sa houlette pour un siècle de succès… Outre l’activité de sellerie, Hermès développe les sacs et bagages, les colliers pour chiens, les accessoires pour le voyage, le sport, l’automobile, mais aussi la couture, les écharpes de soie, les ceintures, les gants, les bijoux et les bracelets-montres.  


Hermès Prêt-à-Porter Automne Hiver 2008 Créateur : Jean Paul Gaultier Hermès Prêt-à-Porter Automne Hiver 2008
Hermès
Prêt-à-Porter Automne Hiver 2008
Créateur : Jean Paul Gaultier
 
Hermès
Prêt-à-Porter Automne Hiver 2008

Hermès pour dames…

La dynastie Hermès se renforce avec Robert Dumas, Jean-René Guerrand et Francis Puech, les trois gendres d’Émile-Maurice Hermès, qui deviennent ses associés efficaces. Sous leurs règnes conjugués, Hermès développe une ligne couture destinée aux élégantes férues de sport. Les vêtements et les accessoires Hermès accompagnent désormais harmonieusement les mouvements d’une haute société cosmopolite, éprise de raffinement et de confort, de sport, de vitesse et d’aventure.

Naissent au cours des années trente quelques-uns des succès mythiques d’Hermès : « Sac haut à courroies » pour dames (le futur « Kelly »), agenda en cuir, « Sac à dépêches » (1935), bracelet « Chaîne d’ancre » (1938), veste et tenue de cavalière… En toute logique, la maison ouvre des filiales dans les stations de villégiature françaises. Et, le 1er août 1930, New York a son magasin Hermès, qui fermera malheureusement un an plus tard, du fait de la grande dépression économique.

Lorsque survient la guerre de 1939-1945, les vitrines d’Hermès font de la résistance et annoncent que « Rien n’est à vendre », non sans prodiguer, à travers leurs féeriques tableaux, des messages d’espoir et d’humour à l’attention des Parisiens. Les nouveaux carrés Hermès sont malicieusement baptisés « le Retour à la terre » ou « À la gloire de la cuisine française »…


La naissance des codes Hermès

À ce moment-là, cinq ateliers sont désormais consacrés à la couture. Les jupes-culottes et le sac en bandoulière adaptent le vêtement féminin à la bicyclette. La raréfaction de la plupart des matières nobles éveille l’intérêt d’Hermès pour le raphia, la laine, le coton ou le parchemin.
Cadeau des privations, la couleur orange, d’abord imposée par la pénurie de colorants sous l’Occupation, sera définitivement adoptée pour les emballages de la maison. Et pour parfaire cette signature, Émile Hermès élira un dessin de sa collection, « le Duc attelé » (souvent baptisé par erreur « Calèche »), un équipage parisien à deux chevaux dessiné par Alfred de Dreux (1810-1860). Déposé en 1945, le logo évoluera librement avec le temps, pour témoigner de la mobilité volontaire de l’enseigne. Ses chevaux ont ainsi pu se transformer en escargots, en autruches, en hippocampes ou encore en chameaux…

Robert Dumas prend la succession d’Émile Hermès en 1951, en étroite collaboration avec son beau-frère, Jean-René Guerrand. La marque poursuit sa diversification, lance la cravate en 1949, puis son premier parfum « Eau d’Hermès » en 1951. Un foisonnement créatif est à l’origine de formes originales de sacs, de bijoux et autres accessoires, la plupart devenus des classiques de la maison. Les années soixante et soixante-dix sont aussi ponctuées d’ouvertures de magasins en Europe, en Asie et aux États-Unis.


Hermès à la mode

La première collection de prêt-à-porter féminin d’Hermès naît à l’automne 1967. La minijupe-kilt, coupée dans une couverture de cheval, frappe les esprits. Hermès s’est toujours assuré des collaborations de haut niveau, en faisant appel à de fortes identités créatrices et pas seulement à des personnalités médiatiques : Claude Brouet, l’âme de la mode du magazine « Marie Claire », appelée par Jean-Louis Dumas à la tête de la direction artistique du prêt-à-porter Hermès, y fera travailler des talents aussi divers que Tan Giudicelli, Thomas Maier, Myrène de Prémonville, mais aussi Mariot Chanet et Marc Audibet. Puis, de1997 à 2004, l’Anversois et très radical Martin Margiela reprendra le flambeau de la création avant de céder la place à Jean-Paul Gaultier. Tous ont eu à cœur de réaffirmer l’élégance anticonformiste de la maison Hermès.


Hermès by Jean-Louis Dumas

Avec Jean-Louis Dumas, c’est la cinquième génération de la famille Hermès qui a pris la tête de l’entreprise, en 1978, et insufflé un nouvel élan à l’honorable enseigne en ajoutant de nouvelles cordes à son arc : la filiale horlogère (La Montre Hermès SA, installée à Bienne, en Suisse), l’émail et la porcelaine. Il a aussi racheté le bottier John Lobb, le cristallier Saint-Louis et l’orfèvre Puiforcat (en 1999, ce sera 35 % de Jean Paul Gaultier, la maison du plus talentueux des créateurs français).

En 1984, un nouveau succès Hermès fait parler de lui, le sac « Birkin » : Jean-Louis Dumas en avait crayonné les contours à bord d’un avion Paris-Londres, en conversant avec sa voisine, l’actrice Jane Birkin. En 1992, les ateliers de fabrication et les bureaux de création s’installent dans un vaste édifice de verre à Pantin, en lisière de Paris. La même année, une nouvelle boutique ouvre, avenue George-V. Infatigable, créatif et fin gestionnaire, Jean-Louis Dumas est sur tous les fronts. En mars 2006, après vingt-huit ans passés à la direction d’Hermès, il quitte ses fonctions de président, remplacé par Patrick Thomas, gérant d’Hermès International. La sixième génération entre en scène avec la nomination de Pierre-Alexis Dumas, le fils de Jean-Louis, et de Pascale Mussard, sa cousine de la branche Guerrand, qui deviennent directeurs artistiques associés.


Eau d'Hermès
Eau d'Hermès
©Studio des fleurs

Hermès au parfum

Hermès est entré en parfum en 1951, avec l’exceptionnelle « Eau d’Hermès » composée par Edmond Roudnitska, l’un des créateurs majeurs du monde de la parfumerie. Les rendez-vous d’Hermès avec le parfum ont d’ailleurs souvent été marqués par des rencontres avec des grands parfumeurs du XXe siècle.
Trois d’entre eux, en particulier, ont contribué au-delà de leur signature à l’édification de l’univers parfum d’Hermès. Edmond Roudnitska, d’abord. Puis Guy Robert, qui composa le célébrissime « Calèche » (1961), premier jus féminin d’Hermès, et neuf ans plus tard, « Équipage », le premier masculin de la maison. Enfin Jean-Claude Ellena qui, après avoir présenté le premier acte de sa trilogie des « Parfums-Jardins » en 2003, (« Jardin en Méditerranée » suivi plus tard de « Jardin sur le Nil » puis de « Jardin après la mousson »), fut intégré officiellement comme parfumeur exclusif d’Hermès en 2004. Depuis, il a cumulé coups de maître et fragrances à succès avec la collection « Hermessence », « Terre d’Hermès » ou « Kelly Calèche », qui ont fortement contribué à clarifier l’identité Hermès.


Hermès au carré

Comment créer le désir avec 90 cm2 de tissu ?  « Jeu des omnibus et dames blanches », fut le thème du premier carré de soie Hermès, créé en 1937, année centenaire de la maison. Le twill de soie était jusqu’alors utilisé pour la confection des casaques de jockey. Leur succès ne tient pas uniquement du caprice de mode mais vient d’une équipe de quarante dessinateurs de tous âges, d’un savoir-faire hors pair, d’un inimitable roulotté main… Qui ne connaît pas le « Brides et gala », foulard quinquagénaire et best-seller planétaire de l’écurie Hermès ?
Robert Dumas, qui avait lancé cette activité, s’était dès le début entouré d’une équipe de dessinateurs dont il accompagnait et stimulait l’inspiration. Les carrés Hermès, qui furent un temps associés à la panoplie figée du bon chic bon genre, ont toujours suivi l’actualité à travers les thèmes de leurs milliers de modèles.
En 2007, la créatrice Bali Barret a été invitée à bousculer – un peu – la machine ; elle a modifié la texture de la soie, renouvelé les motifs, diminué la taille du sacro-saint carré (70 x 70) et relancé ce favori Hermès qui représente tout de même 60 % du chiffre d’affaires !

 

Hermès, l’adresse de la stabilité

Thierry Hermès avait fondé sa manufacture dans le quartier des Grands Boulevards, à Paris en 1837, et c’est seulement en 1880 que la maison Hermès se pose au 24, Faubourg-Saint-Honoré, à proximité du palais de l’Élysée, déjà siège de la présidence. Après la Première Guerre mondiale, Émile-Maurice Hermès acquiert tout l’immeuble et lance, entre 1924 et 1926, un plan de travaux destiné à métamorphoser la manufacture familiale en une belle maison néoclassique, dotée d’un magasin et d’une vaste vitrine d’angle pour exposer les nouveautés. À l’étage, le bureau du maître des lieux et les ateliers.
Les vitrines Hermès font partie intégrante de la féérie légendaire de la marque. Au fil de leurs métamorphoses saisonnières, des tableaux inventifs, audacieux et poétiques, parfois cocasses, s’ingénient à renouveler l’étonnement. Conceptrice avant-gardiste de cette théâtralisation de l’étalage, Annie Beaumel les a créés et animés de 1927 jusqu’en 1978, date à laquelle sa collaboratrice Leïla Menchari a pris sa suite.


Une clientèle de stars

Le magasin du Faubourg-Saint-Honoré était un fabuleux et hétéroclite plateau de théâtre, où se croisaient Mistinguett, Arletty, Christian Bérard, Sacha Guitry, Jean Cocteau, Colette, Jacques Prévert, Louis Jouvet, Foujita, Jean-Louis Barrault, Louise de Vilmorin, le duc et la duchesse de Windsor, Joséphine Baker, Ingrid Bergman, Humphrey Bogart et Lauren Bacall, Jacqueline Kennedy, Audrey Hepburn, Brigitte Bardot, Bourvil, Andy Warhol ou Philippe Noiret… Pas de politique d’égérie ici, les stars sont les articles, mais Sharon Stone, Cameron Diaz et Lindsay Lohan n’ont pas pu résister à l’attrait mathématique du fameux foulard Hermès...


Hermès en chiffres

L’entrée dans le troisième millénaire sera pour Hermès l’année de l’ouverture de sa maison de Madison Avenue, à New York. Une autre maison Hermès, pour le Japon, sera réalisée par Renzo Piano à Tokyo, l’année suivante. Depuis, de nouvelles boutiques ont ouvert, en Asie du Sud-Est, en Chine, en Amérique latine, en Océanie, au Moyen-Orient, en Corée. Aujourd’hui, Hermès est à la tête d’un réseau exclusif de 261 magasins, un fameux équipage pour vendre quatorze familles de produits (cuir, cravates, prêts-à-porter masculin et féminin, parfums, agendas, montres, chapeaux, gants, chaussures, émail, art de vivre, art de la table, bijouterie). La marque fait vivre 7 000 personnes dans le monde, et elle a affiché en 2006 un CA consolidé de 1 515 millions d’euros.