JULES CÉSAR

16/01/2012 19:58

 

L’ASCENDANCE

Homme d’Etat et général romain. Jules César, en latin Caius Julius Caesar. L’archétype du conquérant, du dictateur et de tout prétendant à l’empire - son nom a donné kaiser et tsar -, César devint, dès le lendemain de son assassinat, un triple mythe : politique, moral et littéraire.

Caius Julius Caesar est issu d’une famille patricienne qui prétend descendre d’Enée, le fils de Vénus et le fondateur indirect de Rome : une telle affirmation n’a impressionné que les plus crédules de ses contemporains. Son grand-père a eu une fille et deux fils : Julia, qui épousa Marius, le vainqueur de Jugurtha, des Cimbres et des Teutons, consul à sept reprises ; l’aîné, le père de Jules César, qui mourut peu après l’exercice de la préture (vers 86-85 ?), alors que son unique fils n’avait que seize ans, et Sextus, le cadet, qui devint consul en 91.

 

L’ASCENSION POLITIQUE

Rome est déchirée entre la faction des partisans de Marius, qui contrôle tout l’Occident romain, et celle de Sylla, qui guerroie en mer Egée contre le roi du Pont, Mithridate Eupator, et ses alliés.

 

L’ENGAGEMENT « MARIANISTE »

Marius mort, c’est Cinna qui lui succède. Consul de 87 à 84, il donne sa fille Cornelia en mariage à Jules César, promu au sacerdoce très honorifique de flamine de Jupiter . Mais le retour de Sylla et l’établissement de la dictature obligent Jules César à s’exiler. Parce qu’il refuse de répudier sa femme, Jules César perd sa prêtrise, la dot de Cornelia et la plus grande partie de ses héritages. De ce premier engagement politique, il conserve la fidélité au souvenir de Marius et trouve un modèle en Sylla, qui avait marché deux fois sur Rome à la tête de son armée, s’était fait nommer dictateur et avait réformé la république. César part faire ses premières armes en Asie et, lors de la prise de Mytilène, est décoré pour sa bravoure. Après la mort de Sylla, il revient à Rome, en 73, où le collège des pontifes l’a coopté en remplacement d’un cousin décédé. Sa carrière politique se déroule normalement jusqu’en 63 : malgré ses opinions « marianistes », qui le rangent dans le parti populaire, il est successivement élu tribun militaire, questeur, édile et préteur. Il se fait aimer de la plèbe en organisant des jeux fastueux et en lui donnant des œuvres d’art lors de son édilité, mais aussi en militant pour des mesures d’amnistie, une loi agraire et le rétablissement des pouvoirs des tribuns de la plèbe diminués par Sylla.

Ses alliances le placent aux côtés des hommes les plus influents, Crassus le plus riche des Romains, et , le plus prestigieux, dont il appuie les prétentions à de grands commandements orientaux. Devenu veuf, il épouse Pompéia, la petite-fille de Sylla.

 

DE LA QUESTURE À LA PRÉTURE

Durant sa questure, il visite la Gaule padane, où il encourage les cités à réclamer l’octroi de la citoyenneté romaine, et l’Espagne, considérée comme une des extrémités du monde.

En 63, sous le consulat de Cicéron, César réussit son premier exploit contre d’illustres concurrents : être élu par le peuple comme grand pontife, grâce aux fonds fournis par Crassus Comme ce dernier, il reste extérieur au complot fomenté par Catilina contre Cicéron, mais il plaide en faveur de la clémence pour les complices et marque son hostilité à la mise en état de siège (senatus consultum ultimum), qui suspend les garanties judiciaires. L’année suivante, couvert de dettes, Jules César part gouverner l’Espagne Ultérieure ; il guerroie contre les Lusitaniens au nord du Tage et pousse une reconnaissance jusqu’au cap Finisterre, près de La Corogne. Sa propréture hispanique lui permet de payer en partie ses créanciers, d’améliorer l’administration de cette province tout en y développant ses clientèles et d’y recevoir le titre d’imperator décerné par ses soldats.

De retour à Rome, il trouve Pompée couvert de gloire, mais en butte à l’hostilité des sénateurs, qui refusent de ratifier ses décisions prises en Orient, et de donner des terres à ses soldats démobilisés.

 

LE CONSULAT

Le premier triumvirat est réalisé à la suite d’une alliance secrète ; il est composé de Pompée, Crassus et César. Ce dernier en obtient le consulat, à charge pour lui d’exécuter le programme commun. Ce premier consulat est d’emblée révolutionnaire.

Devant l’obstruction pratiquée par les sénateurs en réponse à ses propositions de lois, César fait publier les comptes rendus des séances du sénat et s’adresse directement au peuple pour approbation. Sa loi agraire distribue des terres aux vétérans de Pompée ; il confirme le roi d’Egypte sur son trône, moyennant le versement d’une énorme somme aux triumvirs ; une autre loi réduit d’un tiers les sommes dues par les fermiers généraux dans les provinces ; une autre encore aggrave les peines des gouverneurs de province concussionnaires.

Bibulus, occupant avec César la charge de consul, est réduit à l’impuissance et prépare les procès en nullité des lois votées. César fait ratifier l’œuvre de Pompée en Orient et lui donne sa fille unique en mariage. Lui-même divorce pour épouser Calpurnia, la fille d’un préteur. Comme province, le sénat lui destine, par pure provocation, la surveillance de la transhumance en Italie ; un tribun de la plèbe lui fait attribuer, pour cinq ans, la Gaule Cisalpine et l’Illyricum avec trois légions. Pour l’éloigner, le sénat y ajoute la Gaule Transalpine avec une quatrième légion ; le commandement de César s’étend des Pyrénées centrales jusqu’au-delà de Trieste.

Ayant neutralisé ses adversaires avec l’aide du tribun de la plèbe, Clodius, il quitte Rome. Son absence dure neuf ans, mais, grâce à ses courriers, il garde des contacts permanents et revient souvent passer l’hiver en Gaule padane.

Cela lui permet de renouveler, à Lucques en 56, son accord avec Pompée et Crassus, qui obtiennent un deuxième consulat en 55, le gouvernement des provinces ibériques pour le premier, le commandement d’une guerre contre les Parthes pour le second. Le gouvernement de César est prolongé pour cinq ans et de nouvelles légions lui sont attribuées.

 

LA CONQUÊTE DES GAULES

De 58 à 57, les campagnes en Gaule sont couronnées de succès : les Helvètes , qui voulaient s’établir en Saintonge, sont repoussés à Genève et fait détruire le pont sur le Rhône, coupant ainsi le passage aux Helvètes dans leur migration vers le sud.

Sur le plateau suisse, et les Germains d’Arioviste outre-Rhin. Les peuples gaulois, de Besançon à Arras et à Angers, se rallient. L’année suivante, le pays est totalement soumis, de l’Adour à la mer du Nord. En 55, César essaie de passer en Bretagne, mais il doit abandonner ce projet pour combattre les Germains : il traverse pour la première fois le Rhin.

 

LA « GUERRE DES GAULES »

Dès l’automne 54, les Gaulois se révoltent de l’Orléanais à l’Escaut , et César perd les effectifs d’une légion et demie. A peine la situation rétablie dans le nord-ouest, la rébellion se déplace vers le sud en 52, de Sens et Paris jusqu’en Auvergne -Velay, de la Mayenne à la Bourgogne, menaçant directement la Cisalpine par les Cévennes. César s’empare de Bourges, échoue à Gergovie, mais réussit à fixer à Alésia le chef des coalisés, Vercingétorix , qu’une imposante armée gauloise ne peut délivrer. En 51, la chute de cette place permet une reconquête méthodique du pays jusqu’au Quercy. Affaiblie par la perte d’un million d’hommes et d’autant de captifs, la Gaule est contrainte de se soumettre.

 

LE PASSAGE DU RUBICON

A Rome, la position politique de César s’est dégradée en raison de la mort de sa fille, épouse de Pompée, et de celle de Crassus en Orient. Les violents troubles de 52 et l’assassinat de Clodius par Milon procurent à Pompée un consulat sans collègue. César demande à se présenter aux élections consulaires en 49 pour 48, sans perdre entre-temps la protection que la fonction de consul confère contre d’éventuels procès politiques, que ses ennemis ne manqueraient de lui intenter. Après deux années d’escarmouches, l’accord est réalisé entre Pompée et la majorité des sénateurs, et César relevé de son commandement : dans la nuit du 11 au 12 janvier 49, il franchit le Rubicon en s’écriant " Alea jacta est " (Le sort en est jeté), pour marcher sur Rome, que Pompée lui abandonne.

 

LA DICTATURE CÉSARIENNE

Exposé aux mêmes dangers que les marianistes trente-cinq ans auparavant, César va réussir à les surmonter et à bouleverser définitivement la république. Cette double action est cependant difficile à saisir, car elle s’inscrit de manière fragmentaire dans le temps et l’espace, et est de plus restée inachevée.

 

LES CAMPAGNES MILITAIRES

César est souvent absent de Rome. En 49, il doit assiéger et prendre Marseille, puis s’emparer de la péninsule Ibérique. L’année suivante, franchissant difficilement l’Adriatique avec son armée, il écrase Pompée à Pharsale. Ce dernier est assassiné en Egypte.

En 47, César triomphe d’une révolte à Alexandrie avant de goûter quelques mois de repos en compagnie de Cléopâtre tout en soumettant l’Egypte, puis il se précipite pour vaincre le roi du Pont à Zéla. De retour en Italie, il passe en Afrique et écrase une armée des partisans de Pompée à Thapsus. Caton se suicide à Utique.

Après ce quadruple et fastueux triomphe, il doit repartir en Espagne méridionale pour anéantir, en mars 45, une autre armée pompéienne.

 

LA POLITIQUE INTÉRIEURE

A Rome même, certains de ses partisans suscitent des troubles presque chaque année et ses soldats, fatigués, refusent parfois de le suivre. La nature de ses pouvoirs varie, car il alterne dictatures et consulats avant, finalement, d’obtenir l’inviolabilité tribunicienne et la dictature à vie. Il augmente le nombre des magistrats afin d’être mieux secondé, multiplie les consuls remplaçants et nomme des préfets. De cette manière, Jules César étoffe les cadres administratifs, comble d’honneurs et de ressources ses partisans, rallie des mécontents et fabrique un sénat plus docile qu’il porte à huit cents membres, en y faisant entrer jusqu’à des Gaulois de Cisalpine.

Ses appuis sont, outre son armée civique, la plèbe de Rome et les notables des provinces occidentales. La première bénéficie d’assignations de terres (Carthage, Narbonne, Arles, Urso en Bétique, dont la charte est conservée) et de distributions d’argent ; la deuxième de banquets, de divertissements, de grands travaux (grand cirque, forum, place comitiale), d’assignations de terres pour les pères de famille nombreuse, d’un moratoire des dettes. De plus, César, en ramenant le nombre des bénéficiaires à 150’000, tente d’assurer des distributions gratuites de céréales aux plus nécessiteux.

Le sol civique de l’Italie, repoussé au-delà du Pô, atteint le pied des Alpes, et des lois poursuivent l’unification juridique de la péninsule, où César veut limiter le nombre des bergers de condition servile. Dans les provinces, il distribue généreusement le droit de cité à des individus, parfois même à des cités entières (Cadix, Lisbonne), pour favoriser l’homogénéité de la domination romaine. Vis-à-vis des sénateurs, ses pairs, sa politique a pour mot d’ordre la clémence, afin d’obtenir des ralliements (notamment celui de Cicéron) et de s’assurer une légitimité plus conforme aux traditions. Il fait dissoudre les associations populaires génératrices de troubles.

 

L’ASSASSINAT

Une conspiration s’organise contre lui, regroupant moins de vingt-cinq sénateurs, mais qui sont assurés de l’accord de la plupart de leurs pairs, y compris de quelques césariens fatigués. Dirigés par Brutus et Cassius, les conjurés décident d’agir à Rome, où le dictateur est peu protégé, avec pour but la mort du tyran et la restauration de la république oligarchique, en fait un partage du pouvoir. Le 15 mars 44 (ides de mars), César est assassiné, en pleine réunion du sénat, au pied même de la statue de Pompée. Le legs de César est très important : ses successeurs vont poursuivre pendant une trentaine d’années son œuvre administrative et politique. Auguste tire sa légitimité de son adoption par le dictateur : il conservera le nom de César et le transmettra à ses successeurs.

 

LA PERSONNALITÉ DE CÉSAR

Cet homme au teint blanc, aux membres bien faits, au visage un peu trop plein, aux yeux noirs et vifs, au crâne dégarni, qui souffrait d’épilepsie, cherche sans cesse à séduire ; il a de nombreuses aventures féminines, notamment avec les épouses de tous ses alliés, ainsi qu’une longue liaison avec Servilia, la mère de Brutus, son protégé. Ses ennemis soulignent surtout ses amours masculines. Un véritable culte de son génie se développe ; à l’occasion de sa réforme du calendrier, le mois de sa naissance est nommé juillet. Dans les processions, sa statue est portée avec celle de la Victoire, et il reçoit le titre de divus, divin. Cherche-t-il à devenir roi ? Il est probablement tenté par une royauté à l’orientale (basileia). A l’imitation d’Alexandre , il prépare dans ce but, au début de 44, une grande expédition contre les Parthes, afin d’effacer les souvenirs de la guerre civile.

Ce personnage complexe, politique ambitieux et capitaine de génie, grand seigneur et démagogue, ne négligea jamais les lettres, même aux époques les plus actives de sa vie militaire ou politique. Il s’essaya dans divers genres avec talent ; excellent orateur, au dire de ses contemporains, il s’intéressa en outre aux problèmes de linguistique, de grammaire et de philologie.

Ses poèmes, son traité de grammaire théorique (Sur l’analogie, dédié en 52 à Cicéron) et l’Anticaton (45), un pamphlet contre Caton d’Utique, sont aujourd’hui perdus, mais la plus importante de ses œuvres, et la seule qui nous soit parvenue en entier, est un ouvrage d’histoire, les Commentaires, formés de deux parties : Sur la guerre des Gaules (De Bello Gallico), que Cicéron admirait beaucoup, et Sur la guerre civile (De Bello Civili).

Ce sont des mémoires, écrites avec un souci apparent d’objectivité, où César ne se met jamais en scène directement, mais qui, en dépit de cette attitude volontairement effacée, ont été clairement conçues dans une intention d’apologie personnelle. Chacun des livres de la Guerre des Gaules est consacré à l’une des sept campagnes de César en Gaule ; l’histoire de la Guerre civile relate ses luttes contre Pompée, qui se terminèrent par la défaite de ce dernier à Pharsale. Ces deux parties de l’œuvre historique de César sont du reste de valeur très inégale, la seconde étant de beaucoup inférieure à la première.