RICARD

07/06/2012 17:43

 

Un Ricard sinon rien !

 
 

L’histoire du Ricard commence en Chine : c’est dans cette lointaine contrée que pousse la badiane, composant essentiel de la célèbre boisson.  Elle commence aussi, et surtout, à Marseille, dans les années vingt, alors que Paul et Pierre Ricard se lancent en quête d’une vraie saveur pour une boisson anisée. L’histoire de Ricard, c’est enfin la saga d’une marque, avec opérations de sponsoring, objets publicitaires, slogans célèbres… Un succès qui ne s’est jamais démenti puisque depuis la création de la marque, en 1932, il s’est vendu plus de deux milliards de bouteilles !

Il est des carrières qu’il est bon parfois de contrarier. Issu d’une famille de boulanger et de négociants en vins, Paul Ricard, à dix-sept ans, voudrait entrer aux beaux-arts de Marseille pour
devenir grand prix de Rome. Refus paternel. C’est peut-être la dernière fois que le futur “roi du pastis” obéit…
Dans les années vingt, en compagnie de son frère Pierre, il travaille dans un laboratoire de fortune à la recherche d’une vraie saveur pour une boisson anisée. Quête délicate : depuis le 16 mars 1915, sous la pression des ligues de vertu et du groupe de pression viticole, l’absinthe (72°) et toutes les boissons anisées sont interdites. Les consommateurs doivent se contenter de boissons anisées à 40° – dont le déjà célèbre Pernod –, mais avec un taux de sucre et d’essence trop bas pour une saveur satisfaisante. On leur donne le nom de “pasticchio”, mot d’origine italienne signifiant situation trouble ou méli-mélo.

Le destin place sur le chemin de Paul Ricard le vieil Espanet, ancien coiffeur devenu braconnier, cueilleur de plantes aromatiques, mais surtout détenteur d’une potion dont il lui confie le secret. Paul Ricard élabore, par macération des plantes dans l’alcool et non plus par distillation, un mélange – pastis en provençal – qu’il fait tester gratuitement dans les cafés de son quartier, Sainte-Marthe, un faubourg de Marseille. Le 7 avril 1932, il est prêt. Un jour particulièrement fêté à Marseille puisqu’un décret libéralise la fabrication et la vente de boissons anisées à 40°. Finis les ateliers clandestins ! Pour s’affranchir de la concurrence, les deux frères décide de vendre leur “pastis” dans une bouteille d’un litre, un volume avec lequel on peut tirer cinquante verres, au lieu de quatorze avec les bouteilles traditionnelles. Les 340 000 bouteilles sont fêtées un an plus tard.
Paul, qui n’a pas oublié sa vocation première, dessine la bouteille, son étiquette et les premières affiches publicitaires avec comme couleurs principales le bleu de la Méditerranée et le jaune du soleil. En 1936, l’année du Front populaire, le “vrai pastis de Marseille” se déguste à Lyon, où est lancée la première grande campagne publicitaire : “Buvez le pastis à la marseillaise, à petites doses, avec cinq volumes d’eau”. En 1938, la teneur en alcool du pastis est portée à 45°. Cette élévation du degré d’alcool est déterminante, car elle permet de dissoudre plus d’essence d’anis et de donner toute sa saveur au produit. L’expansion de Ricard sera contrariée par le régime de Vichy, qui, épris d’ordre moral, interdit la distillation de toute boisson alcoolique anisée et de tout alcool en général, rendu responsables de la défaite. Parcourant la Camargue à cheval, Paul répète fièrement : “J’emmerde le maréchal Pétain et son gouvernement.”

« En 1948, Ricard invente la communication sportive, grâce à une tournée sur les étapes du Tour de France. Il inonde le pays d’objets publicitaires à son nom : casquettes, cendriers, pichets bleu et jaune… »

Ce n’est qu’en 1949 que Ricard retrouve le niveau de ses ventes de 1939, avec près de quatre millions de litres. Un vent de semi-liberté souffle en 1951. Côté pile : le décret sur les pastis est abrogé en mai, ce qui porte le degré à 45. Pernod saute sur l’occasion et lance son Pernod 51 (Pastis 51 en 1954). Côté face : une loi du 6 janvier de la même année interdit la publicité des spiritueux anisés par affichage et voie de presse. Comment, alors, communiquer ? Avant la guerre, Paul Ricard se démarquait déjà de la réclame traditionnelle en créant des événements autour de sa marque. Il renouvelle l’expérience en 1948 en inventant la communication sportive, grâce à une tournée sur les étapes du Tour de France. Il va également inonder le pays d’objets publicitaires à son nom : casquettes, cendriers, pichets bleu et jaune, etc. Le pastis Ricard ne connaîtra aucune frontière, culturelle ou géographique, comme en témoignent sa présence à la Fête de l’Humanité et la bénédiction donnée en mars 1961 à la “fabbrica Ricard” par le pape Jean XXIII.

En 1971, Paul Ricard cède une partie de ses actions à son éternel rival, Pernod. Raison avancée : le besoin d’argent pour financer la construction du circuit automobile du Castellet, premier circuit en France pour les Grands Prix de Formule 1. 1971 est aussi l’année où Bernard Ricard, aux commandes de la société depuis 1968, doit abandonner la présidence, une sanction imposée par son père, furieux qu’il ait acquis, grâce à un emprunt, 48 % des champagnes Lanson. Bernard Ricard cédera ses actions à Pernod (Suze, Cinzano, Dubonnet, Byrrh et Pampryl), qui détient, en 1974, 48 % du capital de Ricard. L’année suivante, la fusion des deux entreprises est entérinée, et après une période transitoire, la direction du groupe revient en 1977 à Patrick Ricard, le fils cadet du fondateur.

En 1984, l’année où la marque fête sa milliardième bouteille vendue depuis sa création, l’agence Young & Rubicam lance le slogan “Un Ricard sinon rien”. La modération, sinon rien, répondra le gouvernement, quand par la loi Barzac du 30 juillet 1987, il entend de nouveau réglementer la publicité des alcools, en interdisant le parrainage sportif. Tour de vis supplémentaire en 1991 avec la loi Evin, qui impose de ne communiquer que sur l’origine du produit et son mode de consommation. L’année où l’Espace Paul-Ricard est inauguré, rue Royale, à Paris, Young & Rubicam lance une campagne fondée sur le principe de la comparaison “Non ! Un Ricard !” : “Un whisky à Saint-Flour ? Non, un Ricard à Singapour”. Et c’est sur le ton du militantisme enjoué que l’entreprise décide de défendre la qualité de son produit face aux marques de distributeurs et aux premiers prix, en lançant, en 2006, la campagne “Un Ricard, un vrai ! De Marseille, oui, de Chepaou, non. Anis étoilé, oui, anis étiolé, non.”

Depuis la création de la marque, en 1932, il s’est vendu plus de deux milliards de bouteilles. Sachant que pour un volume de Ricard, il faut cinq volumes d’eau, la consommation d’eau depuis 1932 est de…